Berre (étang de)

plan d’eau de 15 500 ha au nord-ouest de Marseille. L’étang de Berre est une ancienne lagune, qui n’était réunie à la mer que par un chenal naturel étroit et envasé où même les bateaux phéniciens ne pouvaient accéder. Il recevait en revanche les eaux d’un bassin de 1 700 km2, principalement par l’Arc et la Touloubre, et dans son état naturel les eaux étaient donc douces. Le chenal de Caronte a été creusé à l’époque romaine, mais c’est seulement à partir de 1863 que l’étang a été vraiment ouvert aux eaux de mer: la profondeur du chenal a alors été portée à 3 m, la passe prenant peu à peu la forme d’un vrai canal de 250 m de large sur 6 500 m de long, creusé jusqu’à 6 m en 1874, 9 m en 1925 et 10 m actuellement.

Dès lors, les eaux de l’étang sont devenues salées, changeant évidemment la nature de la flore et de la faune aquatiques. En même temps se développaient sur ses rives des implantations lourdes: la raffinerie de pétrole Shell de Berre dès 1928, puis en 1935 celle de la Mède à Châteauneuf-les-Martigues (Raffinerie de Provence, actuellement au groupe Total). En 1966, EDF mettait en service la centrale électrique de Saint-Chamas, alimentée par un canal d’amenée qui reçoit à Mallemort les eaux de la Durance. Cet apport considérable, en moyenne de 3,3 milliards de mètres cubes en un an, a même pu atteindre 6 milliards, soit plus de six fois le volume total des eaux de l’étang, assortis d’un apport de 400 000 t de sédiments solides, sables et vases.

Nouveau bouleversement: le taux de salinité des eaux s’est abaissé, passant de 32 grammes par litre à 10 ou 15 selon les moments et les saisons, et la faune et la flore ont à nouveau changé, entraînant de nombreuses protestations des riverains. Un plan de sauvegarde a été mis en œuvre à partir de 1994, faisant descendre progressivement les apports d’eau de la Durance à 2,1 Gm3 par an, les apports de sédiments à 200 000 puis 100 000 t; la salinité est remontée à 20 et même 25 g/l et la pêche, un moment interdite, a été à nouveau autorisée dès 1994.

Pour autant, la situation n’est pas encore considérée comme pleinement satisfaisante. C’est aussi que les rives de l’étang se sont considérablement peuplées depuis les années 1930, avec la croissance de l’agglomération d’Istres côté ouest, l’apparition de la concentration industrielle des Estroublans à Vitrolles côté est, la croissance de Marignane et de son aéroport, dont la piste empiète sur l’étang — traversé par 22 conduites de produits pétroliers… Et pourtant l’étang abrite une cinquantaine de bateaux de pêche utilisant une dizaine de ports, surtout le Pertuis de Saint-Chamas et Ferrières à Martigues, tandis que les rivages attirent les Marseillais: les bords de l’étang n’ont pas moins de 8 ports de plaisance totalisant 2 500 places, 11 clubs de voile et 10 plages fréquentées.

L’étang de Berre a 80 km de rives, une profondeur moyenne de 6 m et un volume d’eau total estimé à 980 Mm3. La côte occidentale de l’étang, de Martigues à Miramas, est rocheuse et offre quelques abris aux petits ports et aux plages locales. Au nord-est, l’avancée du delta de l’Arc jusqu’à la Pointe, conjuguée à celle des pistes de l’aérodrome de Marignane, met un peu à part l’étang de Vaïné, au bord duquel se pressent Berre-l’Étang, Rognac et Vitrolles, mais celui-ci n’est qu’une assez large baie de l’étang de Berre. Sur la côte est à Châteauneuf-les-Martigues et Marignane, c’est derrière un cordon littoral que s’isole l’étang de Bolmon ; il n’a guère que 1,5 m de profondeur moyenne, s’étend sur 578 ha et stocke un peu plus de 8 Mm3. La situation de l’étang de Bolmon est devenue critique depuis que l’éboulement du tunnel maritime du Rove l’a coupé de sa relation avec les eaux de la rade de Marseille; la pêche y a été interdite en 2000. La réouverture du tunnel est envisagée mais toujours retardée.

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