Corse

collectivité territoriale de France et île méditerranéenne. Elle s’étend sur 8 680 km2 et compte officiellement 338 600 habitants en 2021. Elle a pour chef-lieu Ajaccio et au total 5 arrondissements, 360 communes, 19 intercommunalités dont deux d’agglomération, 26 nouveaux cantons.

Depuis début 2018, elle est devenue une collectivité territoriale unique, à statut particulier, qui la met au rang des régions. Elle n’est plus divisée en départements; néanmoins, elle a deux circonscriptions administratives départementales dites de Corse-du-Sud et Haute-Corse, où l’État est représenté par un préfet, les deux préfectures étant conservées à Ajaccio et Bastia.

Auparavant, elle avait formé un département en 1790 (numéro 20), puis deux en 1793, à nouveau un seul après 1811 par la volonté de Napoléon de tout ramener à sa ville Ajaccio, puis deux en 1975 sous les noms de Corse-du-Sud (numéro 2A) et Haute-Corse (2B), formant une région en 1982 puis une collectivité territoriale à statut particulier en 1991. C’est ce statut qui a été entériné et précisé en 2018.

L’île de Corse mesure 183 km du nord au sud et sa plus grande largeur est de 83 km. Elle est plus proche de l’Italie (12 km de la Sardaigne, 80 km de la Toscane) que de la France (170 km), et bordée à l’est par la mer Tyrrhénienne. Elle est très montagneuse et culmine à 2 706 m au mont Cinto, ce qui a permis d’équiper 3 stations de sports d’hiver. Elle est formée par un noyau de vieux terrains cristallins, granitiques et volcaniques qui occupe les trois quarts de l’île côté ouest et sud; il est flanqué à l’est d’un ensemble complexe de schistes jurassiques avec intrusions granitiques, lié au soulèvement alpin, qui domine par un talus de faille la Plaine Orientale tapissée d’alluvions; à l’extrême sud, s’y ajoute la petite table de calcaires miocènes de Bonifacio. Une grande crête traverse l’île du NO au SE, séparant les bassins-versants orientés vers la mer Tyrrhénienne de ceux qui le sont vers le sud-ouest.

De l’émergence de cette montagne au milieu de la mer Méditerranée et relativement près des côtes italiennes viennent de nombreux traits d’originalité de la Corse parmi les régions françaises: une histoire mouvementée, une mise en valeur difficile, une écologie fragile, une tradition d’émigration, une forte attractivité touristique, des productions spécifiques, une langue et une culture particulières, des revendications d’indépendance ou au moins d’autonomie, des divisions accusées.

La Corse a été habitée et parcourue aux temps préhistoriques, dont sont issus les abondants gisements mégalithiques, évoluant à la fin vers les statues-menhirs qui font la renommée de certains sites (Filitosa à Sollacaro). Divers peuples y ont pénétré, Étrusques et Phéniciens y ont laissé des traces. Les Grecs la nommaient Kyrné, terme volontiers repris aujourd’hui dans la communication. Les Romains y ont établi des bases, mais presque exclusivement littorales, et sans routes intérieures. Les invasions barbares ont ruiné leurs établissements et les pirates ont, des siècles durant, entretenu un climat d’insécurité dont témoignent des raids, le repli des populations vers des villages perchés sur les croupes des montagnes et des hautes collines, l’édification de nombreuses tours de guet.

À partir de 1284, après avoir dépendu de la papauté qui l’organisa en paroisses (pièves), puis de Pise, la Corse est passée sous l’autorité de la république de Gênes. Celle-ci a fait de Bastia sa capitale coloniale, et son domaine de la moitié de l’île qui regarde vers elle, nommée Cismonte («de ce côté-ci de la montagne»), avec l’assistance et l’insistance du clergé catholique; elle confia finalement l’exploitation de sa colonie corse au «privé», en l’occurrence à la Banque de Saint-Georges, qui chercha à y développer châtaigniers, oliviers et vignes et y favorisa la grande propriété, ce qui provoqua plusieurs révoltes paysannes. L’autorité de Gênes s’était beaucoup moins affirmée sur l’arrière-pays d’au-delà des monts, ou Pumonte, une sorte de finisterre laissé à des familles de féodaux assez agitées et belliqueuses, et refuge de ces fameux «bandits», en fait plus solitaires qu’en bande, qui emplirent un temps le folklore insulaire. À la limite du Cismonte et du Pumonte, Gênes prenait appui sur ses vieilles citadelles de Calvi et Bonifacio, peuplées de Génois et qui lui furent fidèles même au temps des efforts d’indépendance.

L’île avait été l’objet de nombreuses tentatives d’appropriation par la France, notamment en 1553-1559 avec l’aide de Sampiero Corso, aussi bien que par l’Aragon qui s’en dit un temps titulaire et lui légua le Maure de son drapeau. En 1735, les Corses rejetèrent au moins en partie l’autorité génoise, en proclamant la république, tandis que la France aidait les Génois… La république fut à nouveau proclamée en 1755, par Pascal Paoli, avec plus de succès cette fois, et une promotion de Corte et de L’Île-Rousse pour rompre avec les divisions ancestrales. C’est pourquoi Gênes choisit de vendre l’île à la France en 1768. La division de l’île ne cessait pas pour autant: la France avait déjà choisi de s’appuyer sur Ajaccio plutôt que sur Bastia, et l’épanouissement inattendu de la famille ajaccienne des Bonaparte ne put ensuite que conforter ce choix.

Deux départements furent créés en 1790, le Liamone (sud-ouest) et le Golo (nord-est), correpondant aux ancies Pumonte et Cismonte; dès 1811 Napoléon n’en voulut plus qu’un, avec Ajaccio pour chef-lieu, et Bastia devint pour un siècle et demi une simple sous-préfecture, avant qu’en 1975 la Corse ne soit redivisée en deux départements. La création des régions relança le débat, d’autant que la Corse n’avait d’abord été qu’une fraction de la région de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, avant d’acquérir une existence régionale; mais finalement en 2004 le référendum sur un nouveau statut de l’île, qui aurait eu entre autres pour effet de redonner plus de poids à Ajaccio, fut rejeté par la majorité des électeurs, avec évidemment un score record du côté de Bastia.

Ce ne sont pas là les seules différences dans l’île. La vigueur du relief a contribué à son fractionnement en petits pays qui ont développé des traditions, des cultures et des activités de formes différentes. La presqu’île du Cap Corse s’est distinguée par la place de la pêche, de la vigne, de l’émigration aux Amériques. La façade nord-occidentale de Balagne et de Calvi, la plus proche de la métropole, est très prisée des touristes. La Castagniccia, quoique divisée en deux intercommunalités, forme un milieu très original et à certains égards pathétique de fortes densités de petits villages perchés et défensifs, dont le peuplement s’est effondré et qui pourtant ne manque pas de fidélités. Le pays de Corte, à mi-chemin des deux capitales, ouvert entre la grande montagne de l’ouest et la petite montagne de l’est, connaît un renouveau, en partie lié au choix qui fut fait d’y placer l’Université de Corse.

La Plaine Orientale, longtemps vide et insalubre, dont le chemin de fer de Bastia à Porto-Vecchio avait été abandonné, a failli devenir une Californie avec l’aide des pouvoirs publics et de l’installation de familles réfugiées d’Afrique du Nord: elle a réussi en partie dans les vergers de clémentiniers, fort mal dans la vigne, et a subi un climat de violences. Le Sud-Est a ses amateurs et ses visiteurs: on vient de loin pour voir l’extraordinaire site de Bonifacio et Porto-Vecchio a grandi, devenant la troisième ville de Corse; mais son arrière-pays est vide, jusqu’au Sartenais et à l’Alta Rocca.

L’ensemble des montagnes proprement dites est dépeuplé, difficile à vivre; il a pratiquement abandonné les transhumances de troupeaux, mais conserve de nombreux petits villages et attire des randonneurs. Restent les environs d’Ajaccio, habités et fréquentés, aux côtes très pittoresques où ont bourgeonné des stations nouvelles comme Porticcio et Propriano, et aux vallées recherchées et en cours de repeuplement. Cela fait beaucoup de Corses, chacune avec ses formes de relief et de végétation, ses paysages, ses traditions, ses atouts et ses faiblesses; et son ordre et ses raisons, qui sont loin de tout devoir au hasard — un effort de mise en logique peut se lire dans R. Brunet, «La Corse, région d’Europe» (https://mappemonde-archive.mgm.fr/num4/articles/art04407.html).

La Corse reste davantage structurée par ses deux capitales, et son ancienne opposition des versants Cismonte et Pumonte, que par ses moyens de circulation: les échanges entre les deux parties et les deux grandes villes restent modérés, comme le montre l’extrême faiblesse des trafics de l’héroïque voie ferrée qui les relie; il y a bien eu des projets de transformer en autoroute, ou au moins en voie rapide, la nationale 193 d’Ajaccio à Bastia, et un nouveau statut a été attribué aux routes principales, devenues «territoriales» (T10 à T40), mais le relief rend les choses très difficiles et il y a bien peu à échanger. C’est que la Corse reste marquée par la faiblesse générale de son développement économique, et par son extraversion: elle échange bien plus avec l’extérieur qu’en son sein, ce qui explique l’acuité des débats et des crises sur la «continuité territoriale» à laquelle est censée veiller la République française.

L’essentiel se passe ou passe dans les ports et les aéroports, et les tentations de privatisation des liaisons, qu’il s’agisse d’Air-France ou de la navigation maritime, ne laissent pas indifférent en Corse. En dépit de progrès locaux, le bilan reste sévère. La Corse est la dernière région française par sa population, et à plus forte raison par son produit brut, dans l’ensemble et aussi par habitant. La Corse se distingue aussi parmi les régions françaises par la faible part de l’emploi industriel et la forte place des commerçants, des artisans et de la fonction publique, du bâtiment, ainsi que par l’abondance des résidences secondaires. Elle est première pour les homicides et coups et violences, et pour le pourcentage d’allocataires du revenu minimum d’insertion; elle figure parmi les régions dont la population est la plus âgée; elle est celle qui a le moins attiré les capitaux étrangers.

Elle a été dotée d’un statut de zone franche pour l’ensemble de son territoire, sans que cette disposition ait attiré ou permis de créer de façon significative des entreprises. La Corse avait pourtant bénéficié d’efforts d’aménagement dans les années 1960, avec la création dès 1957 de deux sociétés d’aménagement, la Somivac (Société de mise en valeur de la Corse) qui a tenté de développer l’irrigation, créé des lacs de barrage, favorisé les plantations d’agrumes et de vignes, à la fois dans la Plaine Orientale et du côté de Calenzana; et la Setco (Société pour l’équipement touristique de la Corse). Mais elles se sont heurtées à de vives oppositions et leur rôle a été limité, avant leur mise en sommeil.

Certaines productions bénéficient d’appellations: le vignoble, le fromage, les clémentines, plus récemment le miel (1998) et l’huile d’olive (2004). Les clémentines ont obtenu une IGP (indication géographique protégée) en 2003, et un label rouge. Le brocciu, fromage de petit-lait de brebis produit par 900 éleveurs (650 tonnes par an) a une appellation d’origine depuis 1983, transformée en AOC en 1998. Le vignoble a été organisé entre 1968 et 1976 par deux appellations de cru (Patrimonio et Ajaccio), 5 appellations vins-de-corse-villages (coteaux-du-cap-corse, calvi, sartène, figari et porto-vecchio) et une appellation muscat-du-cap-corse, plus une appellation régionale plus générale et un peu moins exigeante en vins-de-corse tout court; les principaux cépages sont en blanc le vermentino (malvoisie de Corse), en rouge le nielluccio et le grenache.

La Corse compterait, dans la population de plus de 15 ans, 47 % de retraités et sans profession, 30 % d’employés et petits cadres, 10 % d’ouvriers, 1 % d’agriculteurs (2 700 exploitants); dans la population des ménages, 38 % de retraités et sans profession, 38 % d’employés et petits cadres, 16 % d’ouvriers, 9 % d’artisans, commerçants et entrepreneurs, 9 % de cadres et professions supérieures. Les résidences principales ne sont que 59,5 % du total des logements.

Plus de 72 % de la surface sont en bois, landes et maquis; l’essentiel de la surface agricole exploitée est en surfaces pastorales diverses. Dans les cultures intensives, la vigne compte pour 6 600 ha, dont un tiers en appellations mais fournissant les deux tiers du revenu, les cultures fruitières pour 7 000, en tête clémentines et kiwis; s’y ajoutent 2 000 ha d’oliviers exploités. L’agriculture n’entre que pour 1,3 % dans le produit régional, aux trois quarts en produits végétaux: 70 M€ pour les vins d’appellation, 60 pour les fruits, 28 pour le viandes, 24 pour les vins ordinaires, 23 pour le lait, 15 pour l’horticulture. La pêche ne compte que localement; elle concerne moins de 200 bateaux et l’aquaculture ne mobilise pas 150 personnes.

Le secteur tertiaire procure 83 % de la valeur ajoutée, le bâtiment 8 %, l’industrie 7 seulement (artisanat compris); le tourisme (plus de 2 millions de visiteurs par an) assurerait presque un cinquième du produit intérieur. Le commerce maritime reste très déséquilibré: 2 Mt/an aux entrées (dont un tiers d’hydrocarbures) contre 200 000 t aux sorties.

La population a augmenté: la région est estimée à 272 000 hab. en 2004, 274 000 en 2005. Elle était officiellement de 290 000 en 1975, 260 00 en 1999 mais tout aussi officiellement de 339 000 en 2011, ce qui représenterait un bond plutôt original de 30 %. La croissance récente est entièrement due aux entrées, car le solde naturel est nul depuis au moins 1975.

Le chemin de fer en Corse. Le transport ferroviaire corse a des aspects héroïques: la construction des lignes exigea d’énormes travaux, dont le vaste chantier du tunnel de Vizzavona qui a presque 4 km de long (v. Centre Corse), et quantité d’ouvrages d’art. Actuellement, 232 km de lignes sont en fonction, à l’écartement métrique; la compagnie dispose d’une vingtaine d’autorails et a transporté 520 000 passagers en 2019 (record), mais très peu de fret. La ligne Bastia-Ajaccio mesure 158 km (dont 84 km de Corte à Ajaccio), la bretelle de Ponte-Lecce à Calvi 74 km. Deux tronçons, de Bastia à Lucciana (Casamozza) et de Calvi à L’Île-Rousse, ont des dessertes fréquentes, sinon «cadencées», sous les noms emphatiques de «métro de Bastia» et «tramway de Balagne». Commencés en 1878, les travaux furent achevés en 1888 sur Bastia-Corte, 1890 sur Ponte-Lecce-Calvi, 1894 sur Corte-Ajaccio. Une autre voie avait été lancée de Bastia vers Ghisonnaccia, atteinte dès 1888, et continuée en 1935 jusqu’à Porto-Vecchio; détruite par les Allemands en 1943, elle n’a pas été reconstruite. Le réseau a failli être abandonné plusieurs fois, privatisé en 1965, finalement repris en 1983 par la Sncf, puis par la Collectivité territoriale en 2012, sous forme d’une société d’économie mixte. De nouveaux autorails AMG800 de la soiété Soulé (Bagnères-de-Bigorre) ont amélioré le service à partir de 2007 et la fréquentation a sensiblement augmenté ensuite. La société mixte CFC emploie 270 agents. Les gares les plus actives sont dans l’ordre Bastia, Calvi et Casamozza (Lucciana), suivies d’assez loin par Ajaccio, L’Île-Rousse et Corte. Les trafics se partagent entre grandes ligne, Suburbain Bastia (plus fréquenté), Surburbain Calvi (Balagne) et Suburbain Ajaccio, le moins fréquenté.

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