Besançon

(119 250 Bisontins, 6 505 ha dont 2 040 de bois) est la préfecture du département du Doubs. Le site est celui d’un méandre du Doubs bien dessiné et presque recoupé, sur la rive gauche. L’étroit pédoncule est couronné par la citadelle, redessinée par Vauban. Il s’insinue entre deux barres de relief alignées, le mont de Brégille à l’est, l’ensemble couronné par les forts de Chaudanne, de Rosemont et de Planoise à l’ouest tandis que, sur la rive gauche, se dessine la longue barre de la Côte, pli terminal du plateau du Jura mais hors de la commune. L’habitat urbain s’est largement répandu dans la plaine au nord et à l’ouest du méandre central, où passent la voie ferrée et la N83. Toute une série de zones industrielles et commerciales se sont établies côté ouest. La partie NE de la commune est occupée par la forêt de Chailluz (2 000 ha); l’A36 passe tout au nord, son échangeur principal étant à École-Valentin, commune jointive.

Besançon fut un chef-lieu de la Séquanie et un archevêché; puis elle a longtemps été ville d’Empire, lequel lui a préféré Dole comme capitale provinciale munie des attributs du pouvoir. Elle fut néanmoins fort prospère au 16e siècle comme place marchande, sous la houlette de la famille Granvelle. Henri IV a échoué à la conquérir en 1595. Elle s’est retrouvée «espagnole» en 1656, passée par échange dans le domaine du roi d’Espagne. Elle a résisté à deux attaques françaises successives en 1668 et 1674, avant d’être finalement annexée en 1678 (traité de Nimègue), ce qui a permis à Vauban d’en revoir entièrement les défenses. Elle a pris alors la place de Dole à la tête de la Franche-Comté, en recevant successivement le parlement et l’université.

La ville ancienne occupe le lobe de méandre, presque circulaire et qui reste enceint d’un long mur qui borde la rive et conserve quelques tours. Son axe principal, NO-SE, se nomme la Grande Rue; il correspond à peu près à l’axe de la cité romaine de Vesontio, d’où vient le nom actuel de la ville et qui semble avoir évoqué la «montagne»; il débouche sur le vieux pont de Battant, également héritier d’un passage des temps romains, flanqué en aval du quai Vauban, bel ensemble du 17e siècle. La Grande-Rue est ornée de maisons bourgeoises et du palais Granvelle, bel édifice du 16e siècle qui abrite un musée du Temps; elle réunit aussi l’hôtel de ville et le palais de justice près de l’église Saint-Pierre du 18s., et, au pied de la Citadelle, tout un ensemble monumental où se voient le square archéologique et ses restes romains, la cathédrale, l’horloge astronomique, l’hôtel de région et, un peu plus loin, la porte Rivotte, un beau châtelet médiéval sur un site d’origine romaine.

Plusieurs rues courent parallèlement à la Grande-Rue, dont la plus connue, au sud-ouest, est la rue Mégevand, bordée par des éléments de l’Université et par le théâtre. Vers le sud-ouest du lobe de méandre, un ensemble de grandes bâtisses réunit les restes de l’ancien arsenal, le vénérable hôpital, la préfecture et l’hôtel du département, l’hôtel de police. Côté nord au bord du Doubs s’ouvre la place de la Révolution, lieu traditionnel de marchés sur laquelle s’ouvre le grand musée des Beaux-Arts. La citadelle, qui domine le centre-ville au sud-est, est devenue un haut lieu touristique, associant un parc zoologique à plusieurs musées; espace Vauban, musées Comtois, d’Histoire naturelle, de la Résistance et de la déportation.

De l’autre côté du Doubs, entourant le centre-ville, se voient au nord-est un ensemble associant les bains de la Mouillère et un casino, une gare, la promenade Micaud; au nord, le fort Griffon, quelques hôtels bourgeois, le jardin botanique et la gare principale; au nord-ouest et à l’ouest, l’École nationale de l’horlogerie, un campus universitaire et, près d’un grand échangeur, le parc des Expositions et la cité Micropolis, lieu de spectacles et de rencontres; plus loin, le haras, le nouveau centre hospitalier et un centre commercial. Au sud-ouest mais sur le relief, le fort Chaudanne fait face à la citadelle de l’autre côté du Doubs.

Le puissant rebord du Jura multiplie les points de vue, souvent associés à des forts des années 1880: Chaudanne, Rosemont, Planoise au sud-ouest, Brégille et Montfaucon au nord-est, Tousey au sud. Au nord de la commune, s’étend la vaste forêt de Chailluz, dominée à l’extrême nord par la crête et le fort de Dame Blanche qui la sépare du cours de l’Ognon; une gare TGV est prévue dans ce secteur septentrional. Ainsi la commune s’étend-elle très majoritairement au nord du Doubs (rive droite) tandis que le centre-ville et la citadelle sont seuls au sud, rive gauche.

Besançon a vu naître Victor Hugo en 1802:

«Ce siècle avait deux ans […]
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix» (Les Feuilles d’automne);

et aussi Charles Nodier (1780-1844) et Tristan Bernard (1866-1947), les penseurs sociaux Fourier (1772-1837) et Proudhon (1809-1865).

La ville a bénéficié à la fin du 18e siècle d’impulsions nouvelles, liées à l’arrivée de réfugiés genevois, puis de juifs quittant la Suisse: de là vient l’implantation de l’industrie horlogère qui fit sa prospérité au 19e siècle, soutenue vers la fin par l’afflux de petits vignerons ruinés par l’abandon du vignoble. À son tour, au milieu du 20e siècle, l’horlogerie subit des crises tandis que d’autres industries prenaient le relais. Entre temps, Besançon bénéficiait de sa situation de métropole régionale, et des concentrations de fonctions liées à la métropolisation; certes, elle avait à rivaliser avec le poids de la Porte de Bourgogne et de sa grande agglomération Belfort-Montbéliard, d’un poids comparable, mais les fonctions n’étaient pas les mêmes: Besançon est une place tertiaire d’un niveau supérieur.

La commune a eu 28 000 hab. en 1800, et son essor démographique a commencé dans les années 1830: 36 500 hab. en 1841, 47 000 en 1866, 58 000 en 1896; elle a un peu stagné ensuite, puis sa croissance est repartie après 1950: 96 000 en 1962, 120 300 en 1975, son maximum; après un creux à 113 000 en 1982, elle a un peu repris dans les années 1990. Sa population totale a baissé de 3 060 hab. après1999.

L’équipement tertiaire de Besançon se distingue par l’abondance des administrations et la place de l’Université de Franche-Comté. Celle-ci, qui est complète, compte plus de 20 000 étudiants, dont 3 100 en IUT et 1 200 au télé-enseignement; 16 500 sont à Besançon. L’Université a créé un Institut supérieur d’ingénieurs de Franche-Comté (ISIFC) spécialisé en instrumentation et techniques biomédicales. L’École nationale supérieure de mécanique et microtechnique (ENSMM) a 500 étudiants, l’IUFM 1 100; 2 000 étudiants relèvent de l’Université technologique de Belfort-Montbéliard. Le nombre total d’étudiants postbac, BTS compris, est d’environ 30 000. Besançon a aussi un Institut de productique, et soutient un technopole de micromécanique de pointe et une «route des microtechnologies» Besançon-Neuchâtel par Morteau.

La ville a un centre hospitalier universitaire et régional (1 210 lits), les cliniques Saint-Vincent (440 sal., 214 lits), Polyclinique (180 sal, 138 lits) et du Bon Secours (84 lits). Elle offre 8 collèges publics et 3 privés, 10 lycées publics dont 5 professionnels et 8 lycées privés dont 6 professionnels. Le casino du Parc (groupe Lucien Barrière) emploie 95 sal., l’établissement public de gestion de la Citadelle 80 sal. Besançon a aussi un haras national, à l’ouest sur la route de Dole, refait en 1952 et accueille le cirque Plume.

Parmi les principaux employeurs tertiaires se distinguent des magasins tels que Carrefour (220), Géant Casino (180 sal.), Super-U (150 sal.), Intermarché et Metro, Décathlon (70 sal.), Leroy-Merlin (140 sal.), Monoprix (50 sal.), Boulanger (électroménager, 65 sal.). Dans le tertiaire se signalent aussi le journal L’Est Républicain (150 sal.), France Télévisions (95), la Banque Populaire (380) et le Crédit Agricole (240), la Caisse d’Épargne (80), la comptabilité Mazars (100 sal.), l’Office Public de l’Habitat de Besançon (120 sal.) et celui du Département (145); négoce de pharmacie Asten (130 sal.).

Besançon s’est spécialement illustrée dans l’industrie de l’horlogerie; elle y a connu de grands moments et des périodes plus tendues lors de la crise de l’horloger Lip (v. ci-après). La ville reste dans ce domaine un centre d’organisation et de négoce, et n’a pas entièrement abandonné les fabrications, élargies à d’autres spécialités de micromécanique. Les ateliers de découpage, emboutissage et montage sont nombreux dans les communes périphériques et en ville même. Au nord de la ville a été équipé le technopole Temis, offrant 130 ha aux microtechniques et 40 ha aux auxiliaires de la santé, plus le lycée Ledoux, une école d’ingénieurs et un centre d’affaires.

Tout un ensemble d’activités dans la commune de Besançon continue à relever du monde de l’horlogerie, du découpage-décolletage et de la mécanique de précision: Parkeon (470 sal., horodateurs, société française issue de Schlumberger); R. Bourgeois (380 sal., découpe de tôles pour moteurs électriques; 70% à la famille, 30% à Arcelormittal); Diehl Augé (150 sal., décolletage, à l’allemand Diehl Metall); Micro Mega (125 sal., appareils chirurgicaux et dentaires, firme locale centenaire Garnier); Zodiac Aero Electric (260 sal., instruments de navigation aérienne), appareils d’éclairage Antolin (140 sal.), SMB (120 sal., horlogerie), Fabricom (70 sal., horlogerie, groupe Timex), Somica (90 sal.), Snop (Noiséenne, 65 sal., outillage de presse), Fralsen (85 sal., horlogerie), Camelin (65 sal., décolletage), SFM (100 sal., bijouterie-horlogerie), Statice (65 sal., microchirurgie), Cryla (mécanique, 80 sal.), Sophy (les appareillages médico-chirurgicaux Sophy (135 sal.) et FCI (50 sal.), les appareils d’emballage Stanley Tools (100 sal.).

Besançon accueille aussi les négoces de produits d’horlogerie et bijouterie Maty (240 sal.), Swatch (85 sal.) et Festina (100 sal.). Le groupe Gérard Mantion (Gemafi), créé en 1952 pour la vente de montres par correspondance, se dit le premier employeur privé du bassin de Besançon (800 sal. dont plus de 500 pour Maty) et le premier vendeur de bijoux en France; il a ouvert un musée de bijouterie et d’horlogerie; le groupe a été acheté en 2000 par l’états-unien Timex, qui a déjà comprimé les emplois au profit de ses installations de Chine. D’autres spécialistes de l’horlogerie et de la micromécanique sont installés dans les communes périphériques, comme Cheval à École-Valentin, une maison vénérable datant de 1848.

Dans des domaines plus ou moins proches figurent dans l’électronique Amphénol ex-FCI (300 sal., ancienne filiale de Framatome acquise par Bain Capital en 2005 puis reprise par Amphénol en 2015) et Kuba (100 sal.), les agrafeuses Stanley Black et Decker (110 sal.), les ferrures et serrures Mantion (120 sal.). D’autres branches industrielles sont représentées par les emballages plastiques Superfos (110 sal.), la biscuiterie Mondelez (95 sal.), les viandes de la Chevillotte (65 sal.).

Parmi les services industriels et urbains figurent notamment les aides à domicile AVS (210 sal.), Vidom (55 sal.) et la crèche-garderie Little People (80 sal.); Franche-Comté Nettoyage (280 sal.), des agences de travail temporaire, Enedis (200 sal.), Orange (150 sal.), SNCF Voyageurs (270 sal.), les transports SNTB (Perrenot, 140 sal.) et Easydis (200 sal.)

La commune de Besançon accueille quatre «zones urbaines sensibles»: la grande cité de Planoise au sud-ouest de la commune sous la crête et le fort de même nom, qui a reçu un statut de zone franche urbaine en 2003, sur 153 ha; la Cité Brûlard un peu plus proche du centre-ville; vers le nord-est de la commune, les ensembles de Palente-Orchamps et des Clairs Soleils; le quartier de Montrapon. La communauté d’agglomération du Grand Besançon Métropole rassemble 68 communes et 193 200 habitants. L’unité urbaine Insee est donnée pour 134 900 hab. (11 communes), l’aire urbaine pour 251 700 (251 communes). L’arrondissement a 249 300 hab., 256 communes. Les 6 nouveaux cantons de Besançon totalisent 54 communes.

Lip à Besançon. Emmanuel Lipmann s’est établi horloger à Besançon à la fin du 18e siècle et créa en 1807 une montre chronomètre qui fut offerte à Napoléon; la marque Lip fut déposée un siècle plus tard en 1896 et Winston Churchill reçut à son tour une montre Lip en cadeau du gouvernement (1948). Lip employa jusqu’à 1 500 personnes à Besançon et à Issoudun en 1954, produisant 300 000 montres par an. L’usine de Palente (1 450 sal.), au NNE de Besançon sur la route de Belfort, fut inaugurée en 1960. Elle fut la première entreprise française à se lancer dans les montres électroniques (montre à diode en 1952), puis les montres à quartz (1971); mais elle s’y ruina. Déjà en 1967 Lip céda une partie de ses actions au suisse Ébauches SA.

Puis le dépôt de bilan entraîna en 1973 un conflit social exemplaire où s’illustra le syndicaliste Charles Piaget et où s’exposèrent devant et au sein des 180 salariés, et dans toute la France, les pratiques, les ambitions et même les utopies de l’autogestion. L’usine continua à produire et à vendre durant la longue grève, puis passa en autogestion modérée sous la direction de l’ingénieur Claude Neuschwander, précédemment cadre chez Publicis, sous le nom de Compagnie Européenne d’Horlogerie (mars 1974). Neuschwander, qui a beaucoup écrit ensuite sur la ville et la société contemporaines, a relaté cette expérience dans Lip, vingt ans après (avec Gaston Bordet, Syros, 1993). Un film Le conflit Lip 1973-1974 a été réalisé par Dominique Dubosc et présenté à Cannes. Un album de bandes dessinées a été publié par Wiaz et Piotr (Les Hors-la-loi de Palente, SIE, 1974).

Mais si la firme produisit de beaux modèles, elle peina à s’imposer, dut s’organiser en coopérative ouvrière (1976), puis fut rachetée par Kiplé avant d’être reprise en 1990 par Jean-Claude Sensemat, un commerçant gersois reconverti dans la distribution d’outillage et installé à Toulouse. La marque existe toujours, mais n’a plus rien de bisontin hors du souvenir. Elle poursuit sous le nom de Lip France ses activités et ses publicités, au sein d’un groupe qui réunit quelques marques diverses comme Teppaz, Zavatta ou Ocana, des sociétés de commerce par Internet et des sociétés de gestion (Capitole, à Toulouse); la licence est confiée à la société MGH (Manufacture générale horlogère) qui ne manufacture rien mais commercialise diverses marques et… siège à Lectoure (Gers). Sensemat s’est exprimé dans les ouvrages Comment j’ai sauvé Lip (Robert Laffont, 2005) et Le Délit d’entreprendre (Mezzanine, 2004), ce dernier accessible sur http://www.ledelitdentreprendre.com. Le site de Palente a été transformé et accueille quelques entreprises et une «pépinière», des hôtels et un bowling. Toutefois il existe aussi deux autres entreprises héritières, spécialisées toutes deux dans la mécanique: Lip Précision Industrie à Besançon (30 sal.) et Lip-emec (15 sal.), à Ornans depuis 1957.