Bordeaux

(256 050 Bordelais, 4 936 ha) est la préfecture de la Gironde, sur la rive gauche de la Garonne, et l’une des grandes métropoles régionales françaises (Bordeaux Métropole), située en fond d’estuaire. Le nom ancien, Burdigala, évoque probablement une anse (cala) aux eaux louches (bourde). Elle fut la métropole de l’Aquitaine Seconde, où s’illustra Ausone; devenue Bordeaux, elle a été anglaise de 1154 à 1453. La commune avait 90 000 habitants au début du 19e siècle, et avait atteint 215 000 dès 1876; sa population est montée à 262 000 en 1911, puis a diminué jusqu’en 1982 (208 000), et a augmenté encore ensuite: +37 100 hab. après 1999 (+17%); mais son territoire est saturé et la commune ne représente même plus un tiers de l’agglomération.

Le site historique de Bordeaux est sur la rive concave de la Garonne avant l’estuaire: la profondeur du fleuve et la marée y ont facilité la navigation, puis l’activité portuaire maritime au temps des trafics transatlantiques et avec les pays tropicaux. Les échanges avec l’Angleterre ont bénéficié des alliances féodales et contribué au développement du vignoble et à l’enrichissement d’une bourgeoisie du «bouchon» et des denrées exotiques, qui a investi dans un patrimoine immobilier monumental, épanoui au 18e s., Bordeaux atteignant 110 000 habitants dans les années 1780. C’est alors que dominaient les fortunes du «pavé des Chartrons» (aujourd’hui cours Xavier-Arnozan). Au 19e s., Bordeaux a longtemps fait figure de port colonial; toutefois, la ville ne s’est pas dotée d’une classe d’armateurs comparable à celle de Nantes.

On attribue aux anciennes relations privilégiées avec l’Angleterre et à la richesse des négoces du vin et des denrées coloniales un certain style urbain, associant un goût du décor et parfois de l’ostentation, une atmosphère retenue, l’existence de clubs à l’anglaise, et peut-être un certain conservatisme qui tranchent, ou ont tranché, parmi les villes des Midis de la France. Le Grand Théâtre, les allées de Tourny et la place des Quinconces sont les illustrations les plus connues de la grande époque, où l’on s’offrit les services des architectes Jacques-Ange Gabriel et Victor Louis; le musée de la douane voisine avec la Chambre de commerce sur la place de la Bourse. Il existe aussi des monuments plus anciens, tels les restes gallo-romains du palais Gallien, la cathédrale et la tour Pey-Berland qui servait de clocher, la Grosse Horloge; tout près, l’hôtel de ville occupe le palais Rohan (18e s.).

Le Vieux Bordeaux, dans le quadrillage régulier de ses rues, a conservé des traces de l’époque romaine: la longue et droite rue Sainte-Catherine en fut un axe. Il reste au sud du centre l’empreinte de l’arc des «fossés» de l’enceinte médiévale (cours Victor Hugo), la porte des Salinières et la porte Caillau; au NO, la porte Dijeaux. Ce Vieux Bordeaux est enveloppé par la deuxième enceinte, site des boulevards qui se nomment ici des «cours». Les quais sont en voie de réaménagement; au nord des Quinconces, au ras des Chartrons, où les anciens entrepôts ont été transformés en modernes immeubles de bureaux et de commerces. La plus grande partie de ce centre-ville est un secteur sauvegardé, où de nombreuses actions de réhabilitation sont entreprises avec circonspection.

À l’ouest du vieux centre, une vaste opération de rénovation a complètement transformé 25 ha du quartier Mériadeck, qui s’était dégradé: autour d’une place verte ont pris place des magasins et des bureaux, un centre commercial avec l’hypermarché Auchan (480 sal.) et, au-delà, l’hôtel de région. Juste au sud de ce quartier et de la mairie se trouve la vaste cité judiciaire à l’emplacement d’un fort qui servit de prison, et où se trouve l’École nationale de la magistrature.

Une troisième ceinture avait été établie au cours des années 1850, correspondant à la barrière d’octroi; elle forme une série de boulevards, séparés par une guirlande de carrefours au droit des principales voies d’accès divergeant du centre vers les périphéries, et que l’on nomme précisément «barrières». L’espace entre les boulevards et le centre-ville avait été rempli par ces petites maisons à jardinets qu’à Bordeaux l’on appelle échoppes, formant des espaces convoités par les promoteurs immobiliers mais fortement défendus par la tradition familiale.

La commune de Bordeaux n’est pas très étendue pour une grande ville française, et n’est qu’une fraction de l’agglomération, sur un douzième de sa superficie. Elle se limite à ces boulevards de ceinture au sud: au-delà, Bègles, Talence et Mérignac prennent le relais. Elle les déborde toutefois au SO, où elle englobe des casernes, le stade du parc Lescure (devenu Chaban-Delmas, abandonné par les Girondins mais utilisé par le rugby) et les vastes terrains du centre hospitalier. Elle a annexé exceptionnellement en 1965 à l’ouest l’ancienne commune de Caudéran, qui avait alors près de 30 000 hab., ce qui lui permet d’inclure le Parc Bordelais et même le golf de Queyret au ras de l’hippodrome du Bouscat. Au nord, elle dépasse largement les boulevards le long de la Garonne dans l’ancien quartier portuaire de Bacalan, jusque bien au-delà de la rocade et du pont d’Aquitaine, disputant à Bruges la moitié du «lac de Bordeaux».

Autour du Lac a été engagée une vaste opération associant palais des Expositions et palais des Congrès, hôtellerie et parc de loisirs, plus un parc technologique (Technolac) et, non loin, de vastes surfaces commerciales et industrielles (zone d’activités Aliénor), où Auchan a un autre hypermarché de 730 emplois. Au nord du Lac vers la Garonne a pris place un vaste ensemble ludique avec parc floral, golf de Bordeaux-Lac, vélodrome et une série de terrains de sports dont le grand stade Matmut, qui sert ordinairement aux Girondins de Bordeaux (football) et occasionnellement à Bordeaux-Bègle (rugby) pour les rencontres les plus fréquentées. Entre le Lac-Bacalan et le centre-ville prennent place les deux bassins à flot du port, maintenant ouverts à la plaisance, et ornés des nouvelles halles Bacalan et surtout de l’étrange immeuble arrondi censé être en forme de carafe à vin dissymétrique, comme Cité du Vin (2016, 13 400 m2, 500 000 visiteurs par an) présentant les vins du monde entier. Tout près est le vieux quartier vinicole des Chartrons, dont de nombreux chais ont été reconvertis; il abrite les archives départementales, le musée des Chartrons, le musée Goupil et le Vinorama, centre de ressources et d’expositions Capsciences, etc.; le croiseur Colbert fait office de musée au bord du quai des Chartrons; la limite méridionale du quartier est marquée par le Jardin public, avec jardin botanique et muséum d’histoire naturelle, et la Bourse maritime.

Enfin, la commune déborde sur la rive droite de la Garonne dans le quartier de la Bastide et de la Benauge, limité par la voie ferrée de Paris et qui, ancien quartier d’usines, d’entrepôts et d’habitat ouvrier, est passablement dégradé, inscrit en zone franche avec des quartiers de Cenon, Floirac et Lormont, et objet de divers programmes de rénovation; ateliers ferroviaires, caserne Niel, complexe de cinémas Mégarama face au centre-ville.

Quelles que soient la richesse, l’étendue et la diversité de ces quartiers, la commune de Bordeaux ne peut donc être considérée que comme une fraction d’une agglomération puissante, dont les autres communes abritent la majorité des grandes entreprises et des grands centres commerciaux et universitaires. C’est la raison pour laquelle l’État avait imposé la constitution d’une des 9 communautés urbaines première manière, par une loi de 1966. Et c’est bien entendu à ce niveau que peut être apprécié le rôle de Bordeaux métropole.

Ce rôle est d’ailleurs diversifié, comme pour toute métropole régionale française: l’université (60 000 étudiants dans 4 universités et 2 IUT) est très présente et prolongée par un grand nombre d’instituts de recherche (5 000 chercheurs et techniciens en tout) et 14 grandes écoles, dont l’École de la magistrature ou l’École de santé des armées. Bordeaux a de nombreux musées, une vie culturelle active, jalonnée de festivals, et elle est le siège d’un assez puissant groupe de presse (Sud-Ouest); mais elle n’a pas de grand éditeur. Elle s’efforce de soutenir une activité de congrès et de foires-expositions, et cependant les activités financières autonomes (banques, bourse) sont réduites, comme presque partout en province. D’un côté les relations internationales sont relativement modestes, d’un autre le rayonnement régional est incomplet: le Sud pyrénéen lui échappe largement.

En revanche, Bordeaux a bénéficié des développements du secteur tertiaire de service; les principaux employeurs sont, comme dans bien d’autres villes, le Centre hospitalier régional (9 000 emplois, près de 2 400 lits au total), une quinzaine de cliniques, les services municipaux (5 200) et la Communauté urbaine (2 500 avec les services qui en dépendent). Banques et assurances, établissements de santé et transports urbains (1 800 sal.) sont aux premiers rangs des fournisseurs d’emplois, cependant que les employés des administrations de l’État sont 16 000, dont 4 000 pour la sécurité sociale et 9 000 au titre de la défense nationale. Ce dernier domaine est lié à un certain redéploiement des activités industrielles: l’éloignement des frontières de l’Est y a été pour beaucoup. Aéronautique, missiles et espace comptent 14 000 emplois; on fabrique dans l’agglomération les avions Rafale, Mirage-2000 et Falcon, des missiles nucléaires et les propulseurs d’Ariane et des carburants pour fusées.

La commune de Bordeaux elle-même, de dimension relativement restreinte et totalement urbanisée, n’abrite guère que l’AIA (Atelier industriel de l’aéronautique, service de réparation et de maintenance), une usine des batteries Saft (660 sal., ex-Alcatel, groupe d’investissement Doughty Hanson); les Constructions navales de Bordeaux (CNB, 450 sal.), au groupe Bénéteau. Un gros employeur est le groupe de presse Sud-Ouest (740 emplois); ingénierie Apside (110 sal.), informatique IBM (130 sal.) et Asobo (110 sal.); constructions Eiffage (160 sal.), réseaux électriques Ineo (130 sal.), service des eaux Suez (230 sal.), assainissement SGA (200 sal.).

Les autres principaux employeurs sont des centres commerciaux et magasins comme Auchan au Lac (600 sal.) et à Mériadeck (450 sal.) ou les Galeries Lafayette en centre-ville (205 sal.) et Ikea au Lac (340 sal.), Leroy-Merlin (240 sal.), Metro (230 sal.), Darty (150 sal.), Leclerc (110 sal.), Carrefour (110 sal.), la Librairie Mollat (100 sal.); la Fnac (100 sal.), négoces de fruits et légumes Pomona (110 sal.), de boissons Boubée (100 sal.), de matériel de chantier Delmas (130 sal.); vente par correspondance CDiscount (1 000 sal.) et CMS Vacances (120 sal.); secrétariat AG2R (100 sal.), aide à domicile Viadom (100 sal.), garderie Mary Poppins (130 sal.); des bureaux de banques et d’assurances: Caisse d’Épargne (730 sal.), BNP (670 sal.), GAN-Vie (430 sal.) et GAN-Santé (120), Société Générale (260 sal.), Allianz IARD (260 sal.), CIC (200 sal.), Banque de France (200 sal.), conseil JD Consult (180 sal.), Pouey (recouvrements, 160 sal.), Myriade (mutuelle, 130 sal.), Sofinco (120 sal.), comptabilité Neuilly (100 sal.); casino du groupe Accor (170 sal.); hôtel Intercontinental (240 sal.); gestion immobilière Domofrance (520 sal.), Aquitanis OPHLM (370 sal.), Clairsienne (120 sal.); foires et salons Bordeaux-Expo (110 sal.).

S’y ajoutent les centres d’appels Equaline (550 sal.), LC (360 sal.), Téléperformance (320 sal.), les sociétés d’intérim Start People (300 sal.), Triangle 5 (290 sal.), CRIT (270 sal.), Manpower (260 sal.), Onepi (190 sal.), Leader (180 sal.), Adequat (170 sal.), Abalone 115, Happy Job (110 sal.); blanchisserie Elis (200 sal.); nettoyages Azur (130 sal.), Reinier (130 sal.), Thomer (130 sal.), gardiennage Securial (690 sal.) et Sécurité Protection (150 sal.).

Les transports urbains Keolis affichent 2 450 sal., l’agence régionale de La Poste 2 300 sal., la SNCF 3 700, Orange 460, Regaz (distribution de gaz) 350 sal., France Télévisions 210, EDF 200, Gaz de Bordeaux 150, SFR 200.

On a pu faire de Bordeaux des évaluations relativement sévères: «Métropole d’équilibre médiocre, métropole régionale incomplète, métropole urbaine relativement solide, métropole nationale et internationale bien fragile, assez peu dynamique, brillant plus par ses images culturelles et la réputation de ses vins que par sa puissance économique ou sa capacité de décider, de communiquer et d’agir, tel se dessine le profil de Bordeaux…» (G. Di Méo, 1998). Le Bordelais compense volontiers par une certaine assurance, persuadé, un peu comme le Lyonnais, qu’il se tient de toute tradition au-dessus du commun. Reste que, par son patrimoine monumental, par son environnement et par nombre de ses activités, il s’agit d’une authentique métropole, de l’une des toutes premières villes françaises, et d’une agglomération en pleine croissance, aux chantiers multiples et spectaculaires.

La commune de Bordeaux est divisée en 5 cantons, sans adjonction de commune voisine. L’arrondissement de Bordeaux compte 937 200 hab., 82 communes, ce qui en fait l’un des plus grands de France. L’agglomération Insee est de 754 000 hab., l’aire urbaine de 925 300 hab., couvrant plus de la moitié du département, sans compter celles d’Arcachon, Libourne et Langon.