Châlons-en-Champagne

(45 490 Châlonnais, 2 606 ha) est la préfecture de la Marne; c’était naguère Châlons-sur-Marne; le changement officiel est de 1998, mais le nom de Châlons-en-Champagne était déjà apparu en 1743.

La ville est d’ancienne origine; elle était déjà au centre de la tribu gauloise des Catalauni, d’où vient son nom, devenu Durocatalaunum (3e s.), puis Catalaunos (4e s.), à la convergence de plusieurs routes romaines. Elle a eu dès le 3e s. un évêque, devenu titulaire d’un comté au 11e s.; plusieurs abbayes s’y sont établies et c’est au Jard de Châlons que Bernard de Clairvaux fit le premier prêche de la deuxième croisade en 1147. Ville de clergé, Châlons a cependant été une ville de foires aux 10e et 11e s., puis une ville drapante: le «châlons» a été diffusé dans toute l’Europe jusqu’au 14e s. — mais n’a rien de commun avec le châle, d’origine asiatique et dont le nom vient de l’hindi… Puis elle s’est contentée d’être une forteresse de plaine. La Révolution, méfiante à l’égard de Reims ville des sacres et séduite par les arguments de l’actif député châlonnais Prieur de la Marne, a confirmé sa prééminence administrative sur Reims. Elle s’est vu ajouter au 19e s., avec le chemin de fer (1849), une nouvelle fonction militaire qui lui a valu d’immenses installations (commandement, casernes, intendance, hôpital), ainsi qu’une école des Arts et Métiers, qui subsiste en centre-ville.

Châlons est ensuite devenue chef-lieu de région, le seul ayant à la fois moins de 50 000 habitants, et moins d’habitants que trois autres villes de sa région, Charleville-Mézières, Troyes et surtout Reims, qui est quatre fois plus peuplée. Cette situation unique et paradoxale selon les habitudes françaises avait des antécédents. Châlons avait déjà été choisie par Richelieu comme siège de l’intendance de Champagne au détriment de Reims (1542), et promue «principale ville de Champagne» en 1589. De surcroît, Châlons et son puissant clergé avaient servi les intérêts du roi de France contre les entreprises des comtes de Champagne., tandis que Reims fut passablement ligueuse. D’autre part et surtout, ont joué l’excellence de la position de Châlons, au milieu de ce grand glacis protecteur que représentait la Champagne pour Paris, et sur la principale voie de passage entre Paris et l’Est: deux routes nationales qui s’y croisent, la N3 et la N44; la voie ferrée de Paris à Nancy et Strasbourg; le canal, qui va jusqu’en Alsace. Cette situation lui permettait aussi de tenir un équilibre entre les deux principaux foyers régionaux, éloignés et souvent rivaux, que sont Reims et Troyes. La réforme de 2015 lui a enlevé ce rôle; Châlons n’est plus qu’une des petites préfectures françaises.

Le plus surprenant est que, dotée de toutes ces faveurs royales, républicaines et impériales, Châlons n’en ait pas mieux tiré parti: c’est sans doute que son environnement l’avait alors desservie. Son site même a l’air très vulnérable: le centre urbain est au milieu de la plaine humide de la Marne, près de la rive droite de la rivière; plusieurs bras d’eau y serpentent encore, tels le Mau et le Nau. Ce centre est à la fois monumental et fragile: quantité de maisons étaient de bois et de torchis, les plus puissantes en carreaux de craie; des incendies, les guerres, la vétusté ont obligé à d’incessants réaménagements. Les grands monuments sont surtout d’origine ecclésiastique: cathédrale gothique Saint-Étienne des 12e et 13e s. (belles verrières); collégiale Notre-Dame en Vaux de 1157 avec des remaniements jusqu’au 15e s., dont le cloître a été détruit au 18e s., puis récemment rénové sous forme de musée; église Saint-Alpin, édifiée au 16e s. dans le style renaissance, sur des fondements du 12e s.; église Saint-Jean, la plus ancienne (11e s.) mais refaite au 17; église Saint-Loup des 14e et 15e s.; couvent Sainte-Marie, devenu le siège du Conseil général (17e s.); grand séminaire de la fin du 19e s., maintenant rénové et qui fut siège du Conseil régional. L’école des Arts et Métiers elle-même avait hérité d’un ancien séminaire et de vieux bâtiments conventuels.

Du côté civil restent finalement peu de chose: le sévère hôtel de ville de 1771, une sorte d’arc de triomphe dit porte Sainte-Croix, de 1769; l’hôtel de l’intendance de Champagne du 18e s., devenu logiquement hôtel de la préfecture; la bibliothèque municipale, établie dans un bel hôtel particulier du 17e s., dit Dubois de Crancé, ainsi que plusieurs maisons anciennes et la plus grande partie de la place de l’Hôtel de Ville. Vers le sud, Châlons a su aménager les amples promenades du Jard et leur annexe du Jard anglais, où l’on trouve un arboretum, le théâtre du Jard et, depuis 1985, le Centre national des arts du cirque, qui utilise le cirque construit en 1899.

Dans le centre urbain sont aussi quatre musées: municipal (divers), Garinet (vie bourgeoise locale), Gœthe et Schiller, Notre-Dame-en-Vaux (cloître); la scène nationale du théâtre du Muselet; l’espace Pierre-Dac, en hommage à l’humoriste né à Châlons. Parmi ses compatriotes, on doit citer Jean Talon (1626-1694), devenu le premier intendant de la Nouvelle-France à Québec; le chimiste Pierre Bayen (né en 1725); Nicolas Appert, inventeur d’un procédé de conserves (né en 1749); et le dessinateur contemporain Cabu (Jean Cabut, 1938-2015, assassiné à Paris lors de l’attaque de Charlie-Hebdo). Les Châlonnais ont également eu un rôle décisif dans l’évolution du champagne, puisque c’est le pharmacien François qui sut mettre au point l’adjonction de liqueur sucrée favorisant la prise de mousse, et Jacquesson qui inventa le muselet.

En dépit de ces héritages brillants, le centre-ville de Châlons est plutôt décevant. Le noyau des magasins est très restreint, si grande a été l’attraction des centres commerciaux périphériques, ouverts à un moment d’atonie urbaine et de stagnation de l’emploi. Les évasions d’achat vers Reims sont sensibles, et l’animation du centre est loin d’être à la hauteur de ses fonctions administratives. Au-delà des boulevards et promenades qui marquent, assez irrégulièrement, les anciens fossés, les faubourgs avaient laissé de vastes espaces, où ont pu s’étaler successivement les installations militaires (surtout au nord, en direction du camp de Mourmelon), les entrepôts et les usines venus nombreux au cours des années 1960 et 1970, les grands ensembles alors hâtivement et massivement construits et, un peu après, les lotissements de petits pavillons.

La rocade de contournement dessinée à bonne distance pour dévier la N44 a servi à la fois d’horizon et de nouvelle barrière à l’urbanisation, qui ne la dépasse que timidement et depuis peu. Les quartiers du Verbeau, de Croix-Dampierre et de la Croix-Jean-Robert ont été massivement construits pour l’habitation, entre 1955 et 1975 surtout. Le «Quartier rive gauche», lié à la gare, peuplé de cheminots et qui votait rouge, avait une tonalité un peu originale; outre les entrepôts ferroviaires, il comportait aussi d’anciennes industries, maintenant disparues, comme la brasserie La Comète. Sur le plateau de craie qui s’élève un peu au-dessus de la plaine a été édifié le grand ensemble de la Bidée; juste au-delà, d’autres urbanisations plus discrètes se diffusent dans les communes de Fagnières et de Compertrix.

Châlons-en-Champagne conserve un finage agricole étendu et la commune fut jadis célèbre pour ses melons, au moins du côté de Saint-Memmie; elle est le centre actif d’une opulente région agricole; nombre d’organismes professionnels agricoles et d’institutions coopératives y ont également leur siège et disposent d’un vaste complexe moderne au Mont Bernard, au nord de la ville. Cependant l’emploi reste très marqué par l’administration, les services et l’armée. Les services à la population sont bien représentés. La ville compte quatre collèges, trois lycées et un lycée professionnel publics, plus deux collèges, deux lycées professionnels et un lycée général privés; plusieurs centres de formation professionnelle et d’aide par le travail. L’ENSAM, École nationale des Arts et Métiers, créée en 1806, ajoute 150 emplois, une spécialité de productique et un peu de vie étudiante (260 inscrits), que confortent un IUT et une Maison de l’Ingénieur, un Institut de promotion industrielle de la Chambre de commerce (100 étudiants), une branche de l’Institut de formation des maîtres (IUFM), un enseignement artistique et l’IFSI qui forme des infirmiers. Châlons a un centre hospitalier (470 lits) et la clinique Priollet (135 sal., 90 lits); institut médico-éducatif et centre d’aide par le travail, maisons de retraite dont Medica (65 et 60 sal.). L’armée est représentée par l’état-major de la Première Région militaire, le 402e régiment d’Artillerie, un établissement du génie et le commissariat à l’armée de Terre.

Il ne reste à peu près plus rien de l’activité commerciale à succursales multiples, née à la fin du 19e s. et qui avait vu la prolifération des épiceries de la firme locale Mielle-Les Écos, et l’apparition très provisoire d’un grand dépôt des Galeries Lafayette dans les années 1960; ni du passé industriel de la ville, dont la fabrique de papiers peints Grantil, venue de Lorraine après 1871 et devenue en 2007 Grandeco Wallfashion NV (180 sal.), à une société belge de Tielt, a disparu en 2013. En revanche, les années de haute croissance avaient amené de nombreuses implantations, en particulier d’origine allemande: bien moins que de «décentralisations», il s’agissait de prises de positions étrangères sur le marché français; certaines ont disparu; plusieurs sont encore là, mais avec des effectifs nettement réduits.

Les principaux employeurs industriels sont aujourd’hui TI Automotive Fuel Systems (pompes et jauges pour automobiles, 450 sal., ex-Jaeger, mi-partie à l’Italien Magneti-Marelli et à l’états-unien Walbro); Ecolab (détergents, 180 sal., états-unien) Mannesmann (matériel de levage MHPS 110 sal.), Privé (constructions métalliques, 100 sal.), Carrières de l’Est (55 sal.). L’usine de colles Henkel, qui avait encore 400 sal. en 2005, a cessé ses productions; la SAF (Soudure Autogène Française), matériel de soudure, a fermé en 2006, ainsi que Graphite et Métaux. Une vieille maison de champagne, Joseph Perrier (groupe A. Thiénot), emploie une trentaine de personnes; ses caves se visitent.

Parmi les principaux employeurs du tertiaire figurent un hypermarché Carrefour (280 sal.) et quelques magasins de moins de 50 emplois; assurances Geoz (120) et Ageo (55 sal); informatique Cityzen (55 sal.); travail temporaire Manpower (125), Synergie (120), Supplay (100) et Adecco (560 sal.); Orange (95 sal.); discothèque Alegra (50 sal.); travaux publics Nord-Est TP (100 sal.), collecte d’ordures Machaon (55). Dans les transports, outre les grands garages, se signalent STDM (autocars, 110 sal., transports départementaux) et Transports urbains de Châlons (Keolis, 70 sal.); XPO (100 sal.), Euro Cargo Rail (55 sal.), entreposage CEVA (75); La Poste (560 sal.).

En dépit des atouts universitaires et scientifiques rémois, Châlons s’est fait une place dans la recherche et ses applications, avec huit «centres de compétence» et un centre spécialisé (CRITT) en productique; patrons et élus comptent tirer profit des projets de l’aéroport de fret de Vatry en assurant les échanges avec le fer et la route. La ville poursuit quelques travaux de réaménagement: au centre-ville, la rénovation des halles et une nouvelle bibliothèque «municipale à vocation régionale» de 700 places; en rive gauche, un Centre d’entreprises Jacquesson, à l’emplacement d’une ancienne maison de champagne devenue malterie et entrepôt de semences, transformée en «zone de redynamisation urbaine». Le mont Héry, au nord de la commune en direction de Reims, a reçu d’amples équipements: gendarmerie et douanes, lycée professionnel, école d’infirmières, complexe commercial, plusieurs foyers pour enfants et vieillards. La commune compte quatre «zones urbaines sensibles»: la Rive gauche (Mont-Saint-Michel, la Bidée, Frison, Gare), Schmit au nord du centre, la Vallée Saint-Pierre au nord-est et le Verbeau-Alsace au sud, qui comporte un grand ensemble des années 1960-1970.

Châlons avait 11 000 à 12 000 habitants au début du 19e siècle, 14 000 en 1856; la croissance a été relativement rapide ensuite (env. 31 000 en 1911, 1921 et 1926, puis s’est ralentie: 36 800 hab. en 1954, 52 300 en 1975, avant de se remettre à baisser au profit d’une partie des banlieues. La population municipale de Châlons a diminué de 4 840 hab. depuis 1999, près de 10%. Châlons est le siège de la communauté d’agglomération de Châlons-en-Champagne qui groupe 46 communes (80 600 hab.). L’unité urbaine de Châlons a 57 600 hab. (5 communes), l’aire urbaine est évaluée à 79 300 habitants (53 communes). L’arrondissement de Châlons a 100 communes et 108 700 ha.

Les 3 nouveaux cantons, taillés fort large, totalisent 77 500 hab. pour 63 communes.