Champagne crayeuse

ensemble de pays compris entre la côte de Champagne à l’est et la côte d’Île-de-France à l’ouest, et principalement entre la Seine et l’Aisne, sur environ 6 600 km2. On l’a jadis appelée Champagne pouilleuse, terme à la fois descriptif et péjoratif que l’on dit venir de l’une de ses plantes de friches (le pouillot ou serpolet), mais qui tenait surtout à sa piètre réputation. Son opulence actuelle a rendu ce terme complètement désuet et inadapté. En revanche, la dénomination de Champagne sèche, parfois utilisée, est correcte, mais elle ne se comprend que par opposition à l’expression plus classique de Champagne humide.

La Champagne crayeuse est caractérisée par le paysage de grands champs nus, étalés sur de basses collines modelées dans la craie, à peine perceptibles vers l’ouest et un plus marquées à l’est. Les sols sont assez minces, mais se travaillent aisément et la craie prend très bien l’engrais et conserve une certaine humidité, ce qui fournit d’excellentes conditions à la culture des céréales, de la luzerne, voire de la betterave à sucre et de la pomme de terre. Comme la craie est très gélive, les sols se renouvellent aisément. Les faciès sont changeants selon les lieux, ce qui contribue à quelques différences de paysages. Les pentes des collines sont souvent tapissées de grèves, nappes colluviales de fragments de craie accumulés durant les périodes froides du Quaternaire.

Les villages sont en général étirés en forme de rue au bord des petites vallées, où ils trouvaient des prés et de l’eau, et près des sources, ici nommées sommes; longtemps, ils ne cultivaient que leurs abords, faute de fumure; tout le reste était le domaine des savarts, une sorte de lande où erraient les troupeaux de moutons. Quelques rares fermes s’y isolaient, parfois dépendant d’abbayes; on les reconnaît au nom de la Grange, la Cense, etc. Ces savarts ont disparu dans la seconde moitié du 19e s., remplacés par les plantations de pins noirs (pins d’Autriche) qui ont fait du glacis champenois une immense forêt où les villages semblaient occuper des clairières très isolées. C’était la solution trouvée alors pour une Champagne «pouilleuse» jugée infertile et attardée, et qui était ainsi censée mieux protéger Paris d’une agression venue de l’Est. Seules quelques grandes fermes aux noms significatifs (Solférino, l’Alsace, la Lorraine, l’Espérance, etc.) se créaient çà et là à la périphérie de quelques finages, en une seconde génération d’écarts.

Après la dernière guerre, les conditions ont radicalement changé: plus d’ennemi proche de ce côté, des moyens de culture mécanique et des engrais chimiques en abondance; par un hasard heureux et peut-être provoqué, la myxomatose a éliminé en 1953-1954 tous les lapins qui étaient devenus la vraie ressource des pinèdes, et le souci des nouveaux entrepreneurs; en quelques années la quasi-totalité des pins ont été abattus et les anciens savarts ont été mis en culture, changeant complètement le paysage champenois, qui est devenu un modèle de paysage parfaitement cultivé, rehaussé çà et là de batteries de silos aussi grands que des cathédrales.