Guyane

collectivité territoriale d’outre-mer, département et région. Son territoire s’étend sur 83 634 km2, entre les parallèles 5°40’ et 2°10’N et les méridiens 51°40’ et 54°30’O, soit sur 400 km nord-sud et 320 km est-ouest. C’est la taille du Portugal, un sixième de la France métropolitaine. Il forme la partie orientale de l’ensemble des Guyanes, qui comprend à l’ouest le Surinam et la Guyana, anciennes possessions coloniales néerlandaise et britannique. Il est bordé par le fleuve Oyapock à l’est, le fleuve Maroni à l’ouest, et drainé par plusieurs autres fleuves intermédiaires, dont les principaux sont d’est en ouest l’Approuague, le Mahury, le Sinnamary et le Mana. Il est ainsi limitrophe du Brésil à l’est et au sud, du Surinam à l’ouest. Il appartient au bassin forestier amazonien et la forêt équatoriale occupe 95% de son territoire. Le climat y est chaud et humide: les précipitations se situent entre 2 500 et 4 000 mm d’eau par an, la saison la plus humide étant en avril et mai, avec un maximum secondaire en janvier, une saison relativement sèche se situant en septembre-octobre. L’abondance des moustiques le long des rivières et dans les marais littoraux a longtemps rendu la vie très difficile aux colons, aux fugitifs et aux bagnards mais les progrès de l’organisation sanitaire et des équipements de la maison ont changé en grande partie les conditions de vie. Les craintes proviennent surtout à présent des pollutions par le mercure, voire le cyanure, utilisés pour l’obtention de l’or.

Partie du bouclier de roches anciennes des Guyanes, son territoire est accidenté par un réseau hydrographique très dense et ramifié, encaissé entre de fortes collines aux formes caractéristiques de «demi-orange» liées à la rapide altération des sols sous climat équatorial. Bien qu’elles aient souvent droit à l’appellation «montagne», elles restent d’une altitude assez modérée puisque rares sont les sommets qui atteignent 800 m, le plus élevé semblant être à 851 m dans la montagne Bellevue de l’Inini (commune de Maripasoula). Une légende avait fait croire à l’existence de montagnes au sud, dénommées Tumuc-Humac, mais les reliefs les plus hauts sont dans les Massifs centraux, au centre-sud du territoire.

La prise de possession de la Guyane date du 17e siècle. Une première reconnaissance de l’aire entre Oyapock et Maroni a été faite en 1604 et le gouvernement royal a envoyé plusieurs vagues de colons de 1624 à 1643, date à laquelle fut négocié avec le chef indien Cépérou la construction d’un village fortifié, consacrant la colonie officielle. Mais il ne restait déjà plus que 25 colons en 1648, ce qui permit aux Anglais de prendre la colonie entre 1654 et 1664, aux Hollandais d’en faire autant douze ans plus tard. Il fallut plusieurs autres envois de colons et de soldats, et le concours de Colbert, pour parvenir à une prise de possession réelle, consacrée par le traité d’Utrecht de 1713.

Le principal effort de colonisation coïncide avec l’expulsion des jésuites (1762), mais il fut suivi d’un désastre deux et trois ans après: à l’instigation de Choiseul, 15 000 Français (dont 12 000 Alsaciens-Lorrains) arrivèrent sur le site de Kourou, sans préparation ni moyens médicaux; 6 000 étaient morts dès la première année; les survivants durent se réfugier dans les petites îles voisines, sans moustiques, devenues dès lors îles du Salut. C’est seulement dans les années 1780 qu’une colonisation mieux préparée et suivie a pu s’accomplir; mais dès 1792 la Guyane devenait un lieu de déportation. Un système agricole fondé sur l’esclavage s’est installé ensuite, menant la population à 19 000 habitants en 1818 (dont 13 000 esclaves) — entre temps, la Guyane fut encore occupée par les Portugais et les Britanniques de 1809 à 1814.

L’abolition de l’esclavage en 1848 entraîna des abandons, et le recours au bagne pour le travail en forêt, ainsi que l’importation de travailleurs asiatiques. Les bagnes furent construits en 1854 à Cayenne, à l’île du Diable et à Saint-Laurent-du-Maroni, devenue le chef-lieu d’un système qui dura jusque pendant la seconde guerre mondiale. La découverte de l’or en 1854 entraîna une «ruée vers l’or», et quelques désordres supplémentaires. Des Martiniquais se réfugièrent en Guyane en 1902 après la catastrophe de la Montagne Pelée. La frontière a été définitivement fixée en 1900, des terres contestées au sud-est, à l’est de l’Oyapock, revenant finalement au Brésil, tandis qu’au sud-ouest, cette fois à l’avantage de la France, la frontière avec le Surinam fut fixée sur le Litani. Les autorités guyanaises attendirent mars 1943 pour rallier la France Libre; en 1946 le bagne fut supprimé et la Guyane devint département, dans une situation économique et sociale très difficile.

La Guyane n’avait encore que 33 000 hab. en 1961. C’est alors que fut prise, en 1964, consécutivement à l’abandon du centre saharien de Reggane dans une Algérie devenue indépendante, la décision d’y implanter le centre spatial français, qui changea radicalement les conditions du développement. Ensuite furent installés en Guyane des paysans Hmong d’Indochine, le département accueillant aussi bon gré mal gré des réfugiés haïtiens et surinamiens — outre des orpailleurs brésiliens.

La population de la Guyane est ainsi pluriethnique. Le nom même des Guyanes viendrait de la population indienne Wayana dont il reste quelques traces, et qu’à l’époque coloniale on nommait aussi Ouayanas, ou encore Roucouyennes. La rivière Guaiana est un affluent de l’Orénoque et il semble bien que le nom de Cayenne soit de la même famille, qui d’après certains experts aurait en général désigné de larges cours d’eau ou estuaires, et de ce fait les populations riveraines. En fait les Wayana ne seraient que les plus nouveaux des Amérindiens en Guyane: les Émerillons et les Wayampi auraient été sur place bien avant notre ère, les Palikur (de la famille Arawak) seraient arrivés vers le 2e siècle, les Wayana (de la famille caraïbe) au 8e siècle. La Guyane abrite six groupes amérindiens: Émerillon (Teko) dans la vallée du Tampok et plus largement d’Elaé à Camopi, environ 200 personnes; Wayampi entre Camopi et Trois-Sauts sur l’Oyapock (600 personnes); Wayana sur le haut Maroni (200 personnes); Galibi ou Kalina sur le littoral du nord-ouest, notamment à Awala-Yalimapo, et petits groupes dispersés d’Arawak (Lokono) à Saint-Laurent et à Matoury, au total 2 000 personnes; Palikour (600 personnes) à Saint-Georges et Ouanary sur le bas Oyapock, à Roura et à Macouria. Ce fond amérindien est certes très minoritaire mais ses traditions coutumières ont été reconnues, notamment dans l’appropriation collective des terres à Awala-Yalimapo.

Les frontières ayant toujours été très perméables, la Guyane a reçu de nombreux apports d’anciens esclaves marrons formant une population Bushénengué, dans la moyenne vallée du Maroni. Ils se distinguent en groupes Boni, Djouka, Saramaca, Aloukou, qui parlent le plus souvent un créole à base anglo-néerlandaise, parfois enrichi de portugais, et de plus en plus le français. Une source canadienne évalue vers 2006 les principaux groupes à 70 000 métis, 15 000 Haïtiens, 14 000 Français et 13 000 Guyanais blancs, 12 000 Antillais, 12 000 Surinamiens, 18 000 Asiatiques dont 3 000 Hmong, 12 000 Bushénengué, probablement 8 000 Brésiliens, etc.

La population officielle en 2013 est de 285 000 hab., soit une très faible densité (3,4 hab./km2). Le croît naturel est d’environ 7 100 personnes par an, soit un taux annuel de 2,5%, dû au fort taux de natalité (2,8%) pour un taux de mortalité de 3,4%, qui explique la forte part de jeunes: environ 33% des habitants ont 14 ans ou moins, 56% moins de 30 ans. En revanche, le solde migratoire officiel est devenu négatif (-0,4%). L’agglomération chef-lieu groupe à elle seule près de la moitié de ces habitants. Le reste est presque entièrement sur le littoral, et spécialement à Kourou (25 000 hab.) et Saint-Laurent-du-Maroni (50 000 hab.).

Le département est divisé en deux arrondissements, ceux de Cayenne (188 800 hab.) et de Saint-Laurent-du-Maroni (96 300 hab.). Il n’a plus de cantons, mais quatre intercommunalités: la communauté d’agglomération du Centre Littoral, qui réunit Cayenne et cinq voisines; la communauté de communes de l’Ouest Guyanais autour de Saint-Laurent, qui correspond à son arrondissement (8 communes); la communauté de communes de l’Est Guyanais, qui associe à Régina les trois communes de l’Oyapock; enfin, Kourou et ses voisines Iracoubo, Sinnamary et Saint-Élie forment la CC des Savanes. Les conseillers de l’Assemblée sont élus dans le cadre de huit circonscriptions électorales inégales: Cayenne (12 élus), la Petite Couronne (en fait la seule Rémire-Montjoly), la Grande Couronne (les 4 autres communes de la CA du Centre Littoral), la Savane (égale à la CC de ce nom), Basse-Mana (Man et Awala-Yalimapo), Saint-Laurent, Haut-Maroni (le reste de l’Ouest guyanais), l’Oyapock (égale à la CC de l’Est Guyanais). Le département a deux députés et deux sénateurs.

La Guyane fait partie des «régions ultrapériphériques» de l’Union européenne, et, à ce titre, en reçoit quelques aides. Elle est la plus pauvre des régions françaises à l’exception de Mayotte; le produit brut total est évalué à 4 600 M€, la moitié de la Martinique, moins de la moitié de la Corse. Le taux de chômage est de 13%, u peu supérieur à la Martinique, inférieur à la Réunion et la Guadeloupe. L’activité de la Guyane est fortement marquée par trois données: la présence de la base de lancement de satellites de Kourou, la recherche et l’extraction de l’or et l’étendue de la forêt. Christiane Taubira observait qu’elle a «tous les aspects d’une économie de comptoir» (Rapport au Premier ministre sur l’Or en Guyane, La Documentation française, 2003). La Guyane a deux parcs naturels régionaux, Ouest et Est, et depuis 2007 un Parc amazonien, au statut de parc national et ainsi le plus étendu de France et même de l’Union européenne.

Le Centre spatial de Guyane assure plus du quart du produit intérieur, 30% du chiffre d’affaires des industries et services guyanais, un quart des emplois directs et induits, 40% des impôts locaux. Il dispose de 1 300 salariés sur le site, auxquels s’ajoutent environ un millier d’employés dans les industries sous-traitantes, le nombre total d’emplois induits étant de l’ordre de 6 000. La population active totale est d’environ 60 000 personnes, dont 44 000 ont un emploi: 33 800 dans les services et commerces, 3 500 dans l’industrie, 3 300 dans la construction, 2 800 dans l’agriculture.

L’enseignement public primaire et secondaire à lui seul emploie 5 300 personnes, dont 2 100 enseignants et 220 non-enseignants pour le primaire, 2 300 enseignants et 640 non-enseignants pour le secondaire, le privé environ 300; la Guyane a 45 000 enfants dans les écoles, 30 000 dans les collèges et lycées (une centaine d’écoles, 31 collèges, 11 lycées). L’enseignement supérieur et les établissements de recherche y ajoutent près de 1 000 personnes, et 1 600 étudiants. Le CNES emploie à la recherche 280 personnes, l’Institut Pasteur 70, les autres organismes de recherche environ 300, dont 50 au CIRAD, 40 à l’IRD, 35 à la Météorologie nationale, 25 à l’INRAE et autant au CNRS, quelques-uns à l’Ifremer, à l’Engref, au BRGM, à la recherche archéologique préventive (Inrap).

L’armée emploie environ 1 800 personnes entre l’état-major (200), les deux régiments de l’armée de terre: 9e Rima (infanterie de marine) à Cayenne et 3e régiment étranger à Kourou, la base aérienne de Matoury (120) et la base navale du Dégrad des Cannes (160). La gendarmerie a un effectif de 850 militaires, dont 350 en gendarmerie mobile. Le «tourisme» reste marginal et représente 3% du produit intérieur: la Guyane enregistre moins de 100 000 visiteurs par an, dont la moitié sont en réalité pour des voyages d’affaires, 30% pour des visites familiales et 20% pour les voyages de loisirs.

La production officielle de l’or est assez fluctuante. Son maximum de 4 900 kg date de 1894 et la courbe de production est restée haute au début du 20e siècle; elle a baissé ensuite et s’est effondrée après 1950: la production a même été officiellement nulle en 1964 et 1965. La montée des prix de l’or a provoqué la reprise dans les années 1980 et surtout 1990, jusqu’à plus de 3 000 kg déclarés en 1997. Elle est actuellement de l’ordre de 2 500 kg par an, dont trois quarts à des petites et moyennes entreprises et un quart à des artisans; néanmoins la Guyane parvient à exporter 4 500 kg d’or par an.

Ce paradoxe tient à ce que des entreprises minières paient leurs employés et leurs fournisseurs en or, qui ne figure pas dans leurs déclarations, certaines ne déclarent pas tout, et le reste vient de l’orpaillage clandestin, dont les produits restent évidemment inconnus — on évalue à 600 ou 800 le nombre des sites clandestins et 12 000 à 15 000 les orpailleurs illégaux, cachés sous l’épaisse forêt équatoriale, mais décelables parfois aux boues rejetées dans les rivières, ou à des techniques très élaborées de télédétection. Beaucoup d’entre eux sont ouverts par des Brésiliens, éventuellement bien équipés en matériel lourd. La production totale est ainsi estimée à 7 500 kg par an et les pollutions associées sont souvent dénoncées comme catastrophiques; elles ne sont pas exclusivement le fait des clandestins: même les sociétés en prennent parfois à leur aise et sont rappelées à l’ordre.

Une vingtaine de sociétés, une centaine d’artisans détiennent des permis officiels, d’une centaine d’hectares pour les artisans, de 25 km2 ou plus pour les sociétés. Les trois principales sociétés détentrices de permis, après bien des changements récents, sont à présent la française Auplata, les étrangères Iamgold (canadienne) et Newmont (états-unienne). Les principales sociétés proprement guyanaises sont la Compagnie de Boulanger et la Compagnie de l’Espérance, qui exploitent des gisements déjà anciens à Roura et à Apatou, mais s’efforcent de se diversifier; une filiale d’Areva (Bourneix) a également plusieurs permis. Des étrangers ont abandonné comme Gold Fields (Afrique du Sud), Western Mining (WMC, Australie), KWG, Homestake, Golden Star et Cambior (Canada) ou Asarco (États-unis et Mexique).

Les principaux foyers sont, dans la partie septentrionale, à Roura et à Régina dans les bassins de l’Approuague et de l’Orapu, à Saint-Élie et dans le bassin moyen de la Mana, surtout la partie sud de Saint-Laurent-du-Maroni, plus une mine à Apatou; dans la partie méridionale, à Maripasoula (Yaou et bassin du Petit Inini) et à Saül, mais la bande la plus prometteuse est située dans le Parc national, du nord de Camopi au centre de Maripasoula. Il en résulte des conflits avec les contours des réserves et les efforts de préservation des biotopes, et les contours mêmes du Parc national ont dû s’adapter à ces situations. Les entreprises de carrières extraient 500 000 t de pierres et 400 000 t de sables par an, 200 000 t de latérite. La société états-unienne Planet Oil a obtenu un permis de prospection d’hydrocarbures en mer, sur 55 000 km2.

L’industrie n’a en Guyane qu’une place très limitée. Hors des entreprises qui participent à l’achèvement et au lancement des fusées Ariane, aucun atelier ne dépasse la vingtaine de salariés; les principaux sont des scieries et quelques petites usines alimentaires. Toutefois, le secteur du bâtiment est actif, compte tenu de la croissance de la population et des besoins en logements, des efforts de résorption de l’habitat précaire, des chantiers routiers et de l’extension du centre spatial.

La Guyane a dû se rendre autonome en énergie électrique. La puissance totale des centrales électriques en Guyane est de l’ordre de 260 millions de watts. L’essentiel est fourni par la centrale hydraulique de Petit Saut (115 MW) qui a été aménagée pour les besoins de Kourou, la centrale thermique du Dégrad des Cannes au port de Rémire-Montjoly (72 MW) et les deux turbines à combustible du même lieu (42 MW) et de Kourou (22 MW); le reste vient d’une petite centrale hydroélectrique en amont de Saint-Georges sur l’Oyapock (Saut Maripa) et de neuf minicentrales thermiques dispersées dans les bourgades éloignées. Saül a une microcentrale photovoltaïque. Un réseau électrique à 90 kV court du Dégrad des Cannes à Saint-Laurent-du-Maroni le long du littoral. La production totale d’énergie électrique est équivalente à 60 000 tonnes d’équivalent-pétrole, dont 40 000 d’origine hydraulique (deux tiers), tandis que les importations de combustibles sont d’environ 200 000 t.

L’apport de l’agriculture guyanaise est évalué à 5% du produit brut départemental. La terre appartient pour l’essentiel à l’État mais elle est volontiers concédée, et par tradition les populations autochtones considèrent que le propriétaire réel est celui qui a défriché. Contrairement à la métropole, le nombre d’exploitations agricoles continue d’augmenter: environ 2 200 en 1980, 4 400 en 1989, officiellement 5 300 en 2000, 6 100 en 2020, sur 36 200 ha (moins de 6 ha en moyenne par exploitation, 52 étant dirigées par des femmes), qui emploient 17 000 travailleurs (en équivalent plein temps), ce qui fait de la Guyane la région la plus agricole de France…; les trois quarts des exploitations pratiquent la culture traditionnelle sur abattis vivriers, surtout du côté du Maroni.

Presque la moitié de leurs surfaces est en prairies, 17% en riz, 18 % en cultures d’abattis (igname), 8% en vergers et 5% en légumes. On en tire bon an mal an 26 000 t de tubercules et racines, 26 000 t de riz (8 300 ha), 5 000 t de fruits. La canne à sucre (7 000 t) n’est cultivée que près de Saint-Laurent-du-Maroni (240 ha), où subsiste la seule rhumerie du département. La riziculture se fait surtout en grandes plantations à Mana, les cultures fruitières, maraîchères et florales sont principalement tenues par les agriculteurs Hmong de Cacao et de Javouhey, et un peu autour de Cayenne. Le produit total de l’agriculture est d’environ 110 millions d’euros. Le troupeau comprend 10 000 bovins, surtout pour la viande (300 vaches laitières seulement); s’y ajoutent 8 000 porcins, un millier d’ovins et caprins; le tiers des exploitations élèvent aussi des volailles. Une vingtaine d’exploitations pratiquent l’aquaculture d’eau douce (82 ha, 37 t/an), principalement pour la chevrette (crustacé, dit ouassou ou zabitan aux Antilles) ou la carpe.

La forêt couvre environ 8 millions d’hectares, soit 95% du territoire; elle ne représente pourtant que 2% du massif forestier amazonien… Les neuf dixièmes sont propriété d’État, 650 000 ha ont été concédés à des communautés autochtones, le CNES englobe 40 000 ha et le domaine privé 20 000, le département 8 700 (forêt d’Apatou). Les services forestiers distinguent entre la forêt littorale (550 000 ha), qui entre dans les espaces considérés comme artificialisés, le «domaine forestier aménagé pour une mise en valeur durable» (2 700 000 ha, un tiers du total) et le «massif forestier intérieur» (4 900 000 ha, 60%), celui-ci considéré comme intouchable. Les exploitations forestières contrôlées sortent 50 000 à 60 000 m3 de grumes par an. Le sciage emploierait environ 180 salariés, la menuiserie et la charpente 300, l’ébénisterie et la tournerie 180.

La pêche apporte un petit complément; elle intéresse 420 marins, disposant de près de 200 bateaux; ils rapportent annuellement 2 400 t de crevettes et 2 500 t de poissons blancs. S’ajoutent à ces prises 1 500 t de vivaneaux, mais qui sont pêchées par une quarantaine de bateaux ligneurs vénézuéliens autorisés, à destination des Antilles. Les deux tiers des crevettes sont expédiés, environ neuf dixièmes vers la métropole et un dixième vers les Antilles; le poisson blanc est principalement consommé en Guyane.

L’organisation du territoire de la Guyane reste profondément marquée par son origine même: une terre d’appropriation coloniale sur le rivage de l’Amazonie. Le territoire est délimité par les deux fleuves principaux; entre les deux, les cours d’eau sont plus courts, et d’ailleurs moins fréquentés. Une double dissymétrie s’est instituée. D’une part, la pénétration dans la forêt a été très difficile, et l’occupation s’est longtemps limitée à une bande littorale étroite, à la végétation moins touffue, qui a pu être en partie défrichée. L’état du réseau routier, des possibilités d’emploi et des équipements urbains, sanitaires, scolaires, perpétue ces oppositions. Le reste du territoire est toujours divisé en deux: il faut des autorisations pour se rendre dans la moitié sud, et la création du Parc national consacre cette division, cependant évolutive: les villages charnières d’Apatou sur le Maroni et de Saint-Georges sur l’Oyapock sont de mieux en mieux intégrés à la moitié septentrionale plus ouverte et mieux équipée.

D’autre part, la situation de Cayenne, excentrée vers l’est, introduit une autre forme de dissymétrie: le peuplement est beaucoup plus dense au nord-est qu’au nord-ouest, l’implantation de la base spatiale de Kourou n’ayant fait que déporter légèrement le centre de gravité vers le milieu du littoral. Les pays du Maroni ont été particulièrement marqués par le bagne, par l’infiltration des Bushénengué (nègres marrons) fuyant les plantations des colonies voisines, et la pression des migrations en provenance du Surinam, tandis que les pressions sont bien plus limitées du côté de l’Oyapock. L’orpaillage clandestin semble brouiller à sa façon les cartes en se répandant sur tout le territoire, mais en fait et pour le moment il accentue les contrastes en faisant des parties méridionales, surtout du sud-ouest à Maripasoula, une manière de Far West d’où les violences ne sont pas exclues et où les forces de sécurité manquent de moyens efficaces.

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