archipel et district des TAAF, formé par une grande île entourée de nombreuses petites îles et d’îlots, à peu près équidistant de l’Afrique, de l’Antarctique et de l’Australie. La grande île, dont le centre est environ à 49°25’S et 69°30’E, a une forme extrêmement contournée, qu’elle doit à la sculpture de son relief par les glaciers; les îles périphériques sont le résultat de l’ennoiement d’une partie de ce relief. L’ensemble, presque aussi grand que la Corse, mesure environ 7 215 km2, dont 6 675 pour la grande île. Celle-ci s’étend sur environ 150 km O-E et 125 km N-S et a une forme en trapèze, plus large à l’ouest qu’à l’est. Une calotte glaciaire subsiste au centre-ouest de l’île, où elle est nourrie par les précipitations d’ouest, et monte à 1 059 m; mais le point culminant est au sud, où le mont Ross, à peu près toujours dans les nuages, s’élève à 1 850 m. On a du mal à distinguer entre îles et péninsules, si étroite est l’imbrication entre la terre et les eaux. Deux grandes péninsules au SO et au NO, portant les noms de Rallier du Baty et de Loranchet, sont elles-mêmes très découpées; la première monte à 1 262 m au mont Henri, englacé, et le volcan qui en fait l’ossature est encore un peu actif. À l’est de Rallier du Baty s’ouvrent de profondes baies en forme de fjords, mais courtes (10 km environ), qui débouchent sur une large échancrure nommée baie d’Audierne, dominée à l’est par le mont Ross. Deux presqu’îles successives au SE, la presqu’île Jeanne d’Arc sur laquelle se branche la presqu’île Ronarch, ne sont rattachées à la masse principale que par des isthmes très étroits. Au NE, la grande péninsule Courbet est assez plate dans sa partie orientale, avec marécages et tourbières, couverte de moraines sur un soubassement quaternaire. C’est sur sa côte septentrionale et orientale que sont les principales colonies de manchots; l’abondance des étangs a fait nommer Dombes et Camargue les parties les plus orientales de la péninsule. Côté ouest, celle-ci monte à 979 m au mont Crozier, près duquel sourdent encore quelques fumerolles. Entre les deux, le golfe du Morbihan, encombré d’îles, est le site des principaux établissements humains anciens et actuels. Le reste de la grande île est formé par un ensemble de plateaux volcaniques profondément découpés par des vallées glaciaires à versants raides, encombrées de lochs et qui se terminent en fjords. Les petites îles prolongent les crêtes et ont les mêmes formes. La plus étendue et la plus haute est Foch, sur la côte nord (206 km2, 687 m); elle est suivie par Howe (51 km2, 245 m) et voisine avec la presqu’île Joffre, qui lui ressemble beaucoup en un peu moins haut (451 m); au sud de Joffre, l’île du Port mesure 43 km2 et monte à 340 m. Toutes deux forment la rive occidentale de la baie des Baleines, ouverte vers le nord et la plus vaste des Kerguelen, délimitée à l’est par la péninsule Courbet. Sur la côte ouest face à la calotte glaciaire, l’île de l’Ouest occupe 33 km2 et s’élève à 617 m. Enfin, au NO de la péninsule Loranchet, le petit archipel des îles Nuageuses fait partie, comme la péninsule, du «parc naturel» délimité dès 1936. Tous ces reliefs issus de roches volcaniques sont sombres, presque dépourvus de sols. Le climat est rude, marqué par des ciels bas, des vents violents, une moyenne de températures de 8 °C en été et 1 à 3 °C en hiver. La végétation est maigre et rase, sans arbre; sa spécialité la plus connue est le chou des Kerguelen, comestible et qui a facilité la survie à des naufragés et à des aventuriers, grâce à ses vertus antiscorbutiques. Il existe à l’heure actuelle un seul lieu habité, Port-aux-Français, sur la rive nord-est du golfe du Morbihan, dans la partie orientale et basse de la grande île (49°20’S, 70°10’E). C’est le site de la base scientifique, établie en 1951 à la suite d’une station météorologique installée dès 1949 et constamment améliorée depuis, qui compte 9 000 m2 de plancher, un hôpital, une centrale électrique, une chapelle, et peut même désormais accueillir des touristes; il en vient environ 60 par an, emmenés avec les personnels de relève, le matériel et les fournitures nécessaires, par le Marion-Dufresne, qui effectue 4 rotations par an depuis la Réunion; la traversée dure dix jours, dont une escale aux Crozet. Outre les installations scientifiques, une base du CNES (Centre national d’études spatiales) a été installée à 4 km de Port-aux-Français pour suivre les tirs de satellites de Kourou, d’Inde et du Japon. Une soixantaine de personnes vivent à la base en hivernage, l’effectif pouvant dépasser la centaine en été. Les Kerguelen portent le nom de leur découvreur, ou du moins du chef de l’expédition française qui les découvrit en décembre 1772. Cook y débarqua au cours de l’été 1776-1777 et les nomma îles de la Désolation, avant d’admettre l’antériorité de Kerguelen. De nombreux phoquiers et baleiniers s’y succédèrent à la fin du 18e siècle et durant tout le 19e, non sans ravages et pollutions, et abîmèrent considérablement le peuplement de manchots. Ils introduisirent rats, chats et lapins, chiens, moutons, rennes, mules… Les lapins, venus avec des Anglais établis sur le site de Molloy (baie du Morbihan) en 1874, ont proliféré, et ont même résisté à une offensive de myxomatose lancée en 1955. Les Britanniques tentèrent une exploitation de charbon, sans suite, en 1877. Il fallut que la France réaffirme sa souveraineté en 1893, à l’occasion de sa grande offensive dans le sud de l’océan Indien (Madagascar, îles Éparses, Crozet, Amsterdam et Saint-Paul). La concession d’exploitation accordée aux frères Bossière se traduisit sur Kerguelen par deux implantations. D’une part, avec l’aide des Norvégiens, une usine de traitement des cétacés fut installée sur l’isthme de la presqu’île Jeanne-d’Arc, en 1906. Sa construction demanda le concours de 300 personnes, la plus forte population humaine jamais atteinte dans l’île. L’usine put ensuite occuper jusqu’à 100 travailleurs en saison; mais elle dut fermer en 1922. Les ruines imposantes de ce Port-Jeanne-d’Arc sont en cours de réhabilitation et il est même question d’y ouvrir un musée; le site est à 40 km à l’OSO de Port-aux-Français à vol d’oiseau, mais à 4 h de bateau. D’autre part, les Bossière créèrent en 1931 une ferme ovine sur la côte nord à Port-Couvreur (1911, 40 km ONO de Port-aux-Français à vol d’oiseau), sans autre suite que la diffusion de moutons devenus libres et quelques ruines de leur installation. Depuis, le seul autre lieu mémorable est celui de la tombe d’un marin allemand mort en 1941 lors d’un passage de croiseur, et dont la sépulture est toujours entretenue soigneusement par le gouvernement de l’Allemagne. Il n’y a plus aucune exploitation en cours, sinon des cultures de légumes sous serre et l’entretien de quelque 3 500 moutons à l’île Longue, pour les besoins de la base de Port-aux-Français, dont la vie est rythmée par les tâches de la recherche scientifique, les passages du Marion-Dufresne, et les excursions qu’ils entraînent dans les îles. |