Nord (département du)

département de la région Nord-Pas-de-Calais. Il est le seul auquel les Révolutionnaires ont donné un nom de point cardinal et il est en effet le plus septentrional de la France. Il a pour préfecture Lille et pour sous-préfectures Avesnes-sur-Helpe, Cambrai, Douai, Dunkerque et Valenciennes. Il occupe 5 743 km2 et il est divisé en 41 nouveaux cantons et 648 communes. Celles-ci sont regroupées en une Métropole (Lille), une communauté urbaine (Dunkerque), cinq communautés d’agglomération autour de Valenciennes, Douai, Denain-Saint-Amand (Porte du Hainaut), Maubeuge et Cambrai, rassemblant trois quarts de la population du département (2 576 800 hab.); et 9 communautés de communes pour le reste.

Le département du Nord est frontalier de la Belgique et riverain de la mer du Nord; il a pour voisins les départements du Pas-de-Calais, de la Somme et de l’Aisne, et comporte une enclave à l’intérieur du Pas-de-Calais. Il comprend deux parcs régionaux, celui de Scarpe-Escaut et celui de l’Avesnois.

La population du département n’a pas cessé d’augmenter au cours des deux derniers siècles, sauf entre 1911 et 1946, où le département a été très affecté par les guerres. Elle a crû régulièrement de 1804 (766 000 hab.) à 1911 (1 963 000 hab.), et à nouveau de 1946 (1 918 000 hab.) à 1975 (2 511 000 hab.). Puis le rythme s’est très nettement ralenti, en raison de la fermeture des charbonnages et des crises des industries traditionnelles des métaux et du textile. La population était de 2 534 000 hab. en 1990, 2 555 000 en 1999. Elle est officiellement de 2 608 300 hab. en 2022, ce qui en fait le département le plus peuplé de France (avant Paris), et correspond à une densité de 454 hab./km2, plus de deux fois supérieure à celle du Pas-de-Calais, et quatre fois à la moyenne nationale. La croissance démographique se poursuit, mais exclusivement grâce au solde naturel (0,47% par an), le solde migratoire étant fortement négatif (-0,39%). L’excédent de naissances (30 000 pour 25 000 décès) est élevé en raison de la forte urbanisation et de la jeunesse relative de la population, le département étant en France celui dont la moyenne d’âge est la plus basse, tant en raison de la natalité que du départ de nombreux retraités.

Le Nord compte en France par sa population, mais ses résultats économiques traduisent l’ampleur de la crise de l’industrie et des emplois. Les services et les commerces l’emportent largement et progressent (447 000 emplois en 2019 contre 425 000 en 2008), ainsi que les emplois dans les services publics (administration, éducation, santé), passés de 329 000 en 2008 à 352 000 en 2019, mais l’industrie (125 000 emplois en 2019, hors bâtiment) continue à régresser (154 000 emplois en 2008), comme l’agriculture (13 000 contre 11 000). S’il reste le premier département de province par le produit brut total, le résultat par habitant et par emploi ne le situe guère qu’en trentième position, après la plupart des départements disposant d’une grande ville. Le taux de pauvreté est évalué à 19%, et seulement 51% des ménages sont imposés sur le revenu.

Le département du Nord, en dépit de sa puissance industrielle et marchande, est l’un des grands départements agricoles de la France. La surface agricole y monte à 360 000 ha (62% de la surface totale), dont 275 000 de terres arables et 81 000 d’herbages; il a 53 000 ha de forêts, soit moins que le Pas-de-Calais en dépit de la présence de grands massifs comme celui de Mormal et celui de Saint-Amand, et du plateau ardennais. Le Nord cultive nettement moins de céréales (140 000 ha) et de betteraves (21 000 ha) que son voisin, mais plus de pommes de terre (26 000 ha), de chicorée (1 800 ha) et un peu de houblon.

Le département est étiré dans le sens NO-SE, et même étranglé à la hauteur de la plaine de Lys, où sa largeur tombe à 5 km à peine. Ce dessin a facilité sa division en aires distinctes, que concourent à distinguer des différences de cultures, d’activités, de paysages et de degré d’urbanisation. La plaine flamande, traditionnellement scindée entre une partie dite maritime ou ouverte (Blootland) et une partie intérieure plus bocagère (Houtland) se complète aux deux extrémités par le Dunkerquois très peuplé et industriel mais qui est aussi la partie proprement maritime et balnéaire du département, et par la plaine humide et industrieuse de la Lys; encore les monts de Flandre, en Houtland, esquissent-ils une petite contrée originale et attirante.

Au centre, règne la métropole lilloise, étendue à ses anciennes voisines de Roubaix et Tourcoing, qui s’en distinguaient et s’en distinguent encore partiellement par l’autonomie de leurs décisions et de leurs orientations économiques, tant dans le textile que dans la grande distribution, et sa nouvelle excroissance technologique et universitaire de Villeneuve-d’Ascq, plus peuplée à présent que les précédentes. Mais les périphéries de Lille conservent des personnalités affirmées et des espaces encore ruraux du côté nord en Ferrain entre la métropole et la frontière, du côté ouest en Weppes, vers l’est et le sud-est en Mélantois et en Pévèle.

Le Douaisis s’affirme par l’histoire de son chef-lieu, qui fut bien avant Lille une capitale et en conserve quelques vestiges, par son passé minier et ses reconversions industrielles, par sa position-clé dans le réseau des communications. Il est relayé à l’est par le Valenciennois, tout aussi minier jadis, industriel et d’échanges à présent. Dans l’intervalle entre les trois pôles lillois, douaisien et valenciennois, subsistent des contrées peuplées, en partie agricoles ou boisées, qui envoient une bonne part de leurs habitants travailler dans ces foyers d’emplois: une partie de la Pévèle, le pays d’Orchies (parfois Orchésis), la plaine humide de la Scarpe érigée en Parc naturel régional avec la ville et la forêt de Saint-Amand.

La partie sud-est du département est généralement divisée en deux parties. Le Cambrésis, assez bien desservi par Cambrai, appartient aux plaines et collines de grande culture qui s’étendent de l’Artois et de la Picardie à la Champagne, tant par ses activités que par ses paysages, tout en maintenant une part de sa tradition d’industrie. L’Avesnois au sens large, ou Sambre-Avesnois, se tient un peu à part, tant par sa position excentrée que par ses paysages bocagers et boisés et ses activités, plus diffuses. Encore faut-il y distinguer des aspects sensiblement différents: la vallée industrielle de la Sambre, qui n’a pas fini de vivre douloureusement ses crises d’emploi; la vaste forêt de Mormal qui contribue à l’isolement relatif de cet ensemble, et le plateau de Bavay qui au contraire en fut un grand carrefour; l’Avesnois au sens plus étroit, et la Thiérache plus au sud, bons pays de culture et d’herbages grâce à leurs limons et leurs argiles; le plateau ardennais enfin, accidenté, boisé, ruisselant d’eaux, qui fait revivre ses activités anciennes en des écomusées et mise sur le tourisme vert à proximité des grands foyers urbains.

Le département du Nord, des Ardennes à la mer, en bordure des grandes plaines fertiles de l’Europe du Nord-Ouest, a longtemps été une terre de convoitise, d’affrontements et de partages. Les barrières et les frontières s’y fixaient d’ouest en est, les circulations principales étaient dans le sens sud-nord et largement asservies aux exigences parisiennes: routes puis autoroutes qui arboraient les numéros 1 et 2 de la nomenclature nationale, canaux, voies ferrées. Un effort remarquable de l’après-guerre a été de réorienter une part des circulations vers un réseau moins limité, mieux maillé, même ouvert sur d’autres horizons: apparurent alors, outre une «ville nouvelle» devenue Villeneuve-d’Ascq, une grande liaison fluviale nommée Dunkerque-Escaut; une grande liaison ferroviaire vers l’est (Valenciennes-Thionville); une autoroute longitudinale (A26) également ouverte vers les régions de l’Est et du Sud-Est; une ligne ferroviaire à grande vitesse de Lille vers Calais et la Grande-Bretagne.

Le département y a certainement gagné en cohésion, a valorisé ses nœuds en y attirant plates-formes logistiques et nouvelles usines. Sans doute pas assez pour régler tous les problèmes d’emploi liés à la fin de l’extraction de charbon, à la réduction des sidérurgies et à l’expatriation des textiles, assez pour éviter de bien plus graves crises et pour retrouver une partie de ce talent d’échanges qui avait fondé la vitalité de la bourgeoisie marchande, qui avait fait de ces pays une partie intégrante de la Mégalopole européenne, et de Lille une place financière de renom. Avoir en même temps misé sur le développement de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que sur la culture, n’a pas moins contribué à sauver une partie de la mise, et à consolider la position éminente du département en France. Reste à accroître les efforts en vue de réduire le chômage, la pauvreté, les inégalités sociales: un vaste chantier, auquel ont déjà contribué les instances européennes, mais qui est loin d’être achevé.

Le poids du département, sa forte personnalité et sa situation géographique à l’extrême nord du pays et contiguë à la Belgique contribuent à une volonté latente ou affichée de ses habitants en vue de surmonter certains complexes qui furent nourris par les images de pays noir, de crise, de ciel opposé à un Midi imaginé bienheureux, etc. Le choix de Lille comme capitale culturelle de l’Europe en 2004 a fortement contribué à son affirmation. Le succès phénoménal du film Bienvenue chez les Ch’tis en 2008 a été une autre étape d’affirmation de cette fierté locale. On remarquera que ch’ti, dont l’origine est dans la prononciation du démonstratif «ça», «ceux», «c’est», et spécialement de «c’est moi», est commun à toute la langue picarde et wallonne — l’origine en est généralement rapportée à la guerre de tranchées de 1914-1918 où ceux du Nord étaient réputés répondre «ch’ti mi» au «qui est-ce» ou «qui va là» des autres. On disait d’ailleurs naguère plus souvent un chtimi qu’un chti pour désigner familièrement un habitant du Nord, d’autant que chti rapprochait de l’idée de petit, voire d’étriqué, et même mesquin (par déformation de chétif). L’idée de Ch’ti ne couvre pourtant pas habituellement toute la Picardie. Elle est même principalement associée au centre du département du Nord, autour de Lille, Douai et Valenciennes: elle est moins présente en Ardenne et Thiérache, et elle est en principe exclue de la Flandre, où le parler est flamand et aucunement picard et où cette expression n’a pas de sens. Paradoxe: le film a été principalement tourné à Bergues, donc en pays flamand. Est donc ch’ti celui qui revendique cette identité.

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