6 300 hab. (6 500 en 1999) dont 220 à part, 24 100 ha, archipel à l’ouest de Terre-Neuve, vers 48°50’N et 56°20’O, formant depuis 1985 une collectivité territoriale de la France. L’archipel est fait de deux communes, correspondant à deux grandes îles, inégalement complexes et habitées, et de quelques îlots. Au sud, Saint-Pierre (5 700 hab. dont 200 à part) est de loin l’île et la commune la plus peuplée. Située à 46°46’N et 56°10’O, elle n’a que 6 500 m O-E et presque autant N-S, et couvre environ 25 km2. Une partie haute et vide au nord (la «Montagne»), qui toutefois ne dépasse pas 204 m, domine par un talus de 60 à 100 m de dénivellation une partie basse méridionale, où sont le bourg de Saint-Pierre, sa rade et son port sur la côte est, ainsi que son aéroport juste au sud. Saint-Pierre est une petite ville au plan régulier en damier, calée sur l’axe est-ouest de la rue Boursin et l’axe nord-sud, plus court, de la rue du Maréchal Foch. Elle a une cathédrale, un port de voyageurs sur le flanc sud avec la douane et la poste, tandis que le port de pêche est sur le flanc est; une école de voile et des appontements de plaisance sont au sud-ouest, près du Centre culturel et du Francoforum. La centrale électrique est à l’extérieur, vers la sortie nord-est. L’île de Saint-Pierre est flanquée au nord par la petite île du Grand Colombier, à l’est par l’île aux Pigeons, l’île aux Vainqueurs et l’île aux Marins (50 ha). Seule la dernière, qui ferme à l’est le port de Saint-Pierre, est habitée par quelques dizaines de personnes; on y visite un musée dit de l’Archipélitude et elle conserve au nord un vieux fort. De l’autre côté du chenal curieusement dénommé la Baie, vers le nord-ouest, s’étire l’île de Miquelon, formée de plusieurs éléments disparates. Le plus proche de Saint-Pierre, au sud, est l’ancienne île de Langlade, d’environ 13 km sur 8, de faible relief et à peu près vide, mais comportant de nombreux étangs et dans laquelle s’ébattent des animaux en liberté, notamment des chevaux et des cerfs. Un cordon de sables et galets de 12 km de long, de direction sud-nord, dont la largeur ne dépasse pas 200 m au milieu, et consolidé par des épaves, relie Langlade à la Grande Miquelon. Cet isthme de Langlade eut une passe côté sud, à présent fermée. Au nord, il s’élargit en enserrant la lagune du Grand Barrachois, qui a 5 km de large, nombre d’oiseaux et de phoques, et communique avec la mer, au sud-est, par le Goulet de Langlade. Au nord de l’isthme, la Grande Miquelon, vide à l’exception de quelques habitations sur la côte orientale, a une forme plus ramassée que Langlade, d’environ 10 km de diamètre; son relief culmine à 250 m et abonde en tourbières. Au nord-est, la côte est régularisée par un lido qui enferme la lagune de l’étang de Mirande. Suivent au nord de la Grande Miquelon trois éléments associés: une lagune fermée par un lido sur la côte ouest, le Grand étang Miquelon; une petite plaine alluviale, en fait un cordon un peu large, qui est le site du village de Miquelon; une ancienne île SO-NE de 6 km de long et 1 à 2 de large, rattachée à Miquelon par ce cordon et qui s’achève au NE par le cap du Nid à l’Aigle, dit aussi cap Miquelon. Elle ferme au nord l’anse de Miquelon, au fond de laquelle se trouvent le village, étiré en un long croissant, et son petit port, la piste de l’aérodrome étant tout près au sud. Cet ensemble forme la commune de Miquelon-Langlade (640 hab.) et, de l’extrême sud de Langlade au cap Miquelon, mesure 43 km et occupe 213 km2, dont 114 pour la Grande Miquelon. La commune comptait 710 habitants en 1999, et a donc du mal à maintenir sa population, qui ressent un certain isolement. Le territoire de l’archipel appartient au même ensemble géologique que le sud-ouest de Terre-Neuve, et au système appalachien. Le relief, qui culmine à 240 m au morne de la Grande Montagne (Miquelon) et dépasse à peine 200 m à Saint-Pierre, 170 m à Langlade, a été aplani et taraudé par l’érosion de la calotte glaciaire quaternaire: il est modelé en roches moutonnées caractéristiques, avec des dépressions occupées par des étangs, et des dépôts morainiques de faible épaisseur, remaniés par les menus cours d’eau et les courants marins. Mais les différences géologiques opposent formes de détail, roches et couleurs. Langlade et la Petite Miquelon sont formées de bandes métamorphiques parallèles de direction SO-NE, faites surtout de schistes lustrés et de quartzites, grès et phyllades d’âge cambrien, qui leur donnent ces orientations, caps et baies caractéristiques; tandis que Saint-Pierre et la Grande Miquelon sont surtout volcaniques, associant rhyolites rouges précambriens, basaltes, brèches et tufs, et le dessin de leurs côtes est moins haché, le plus souvent rocheux et même à falaises. L’archipel, baigné par le courant froid du Labrador, a un climat plutôt rude: de nombreux jours de pluie et de brumes, des étés frais, des hivers maussades, trois mois de neige à partir de Noël, 120 jours de gel par an; toutefois, le port de Saint-Pierre reste à peu près libre de glaces même en hiver. La végétation basse associe pelouses, bruyères et arbrisseaux à baies. L’archipel héberge de nombreux oiseaux, dont le macareux arctique sur l’île du Grand Colombier, où il est nommé calculot; il est fréquenté par des homards et des phoques. Connues de nombreux navigateurs au Moyen Âge, ces îles n’ont pas été à proprement parler «découvertes»; mais Jacques Cartier en a pris possession pour la France en 1535. Longtemps assez vides, logeant une ou deux centaines de personnes au 17e siècle et au début du 18e, elles ont subi de nombreuses incursions, surtout anglaises, et ont même été attribuées en 1713 à l’Angleterre par le traité d’Utrecht, avant d’être rendues à la France en 1763 par le traité de Paris; c’est alors qu’elles ont connu un afflux de réfugiés acadiens éjectés du Canada. La population est passée à 780 hab. en 1768, 1 500 en 1773. Les Anglais sont revenus à la faveur des guerres et de la Révolution, d’abord de 1778 à 1783, puis de 1793 à 1802, et encore à l’époque napoléonienne; finalement l’archipel ne fut définitivement français qu’en 1816. La population, retombée à 800 hab. en 1820, a ensuite bénéficié de la vogue de la pêche à la morue: 3 000 hab. en 1860, 6 500 en 1902 dont 5 400 à Saint-Pierre, 550 à Miquelon et 540 à l’île aux Chiens (devenue ensuite île aux Marins), tandis que l’archipel recevait jusqu’à 10 000 personnes supplémentaires en saison, pêcheurs de 300 navires et employés temporaires des usines de traitement du poisson. La chute de la pêche a ensuite entraîné le dépeuplement, le nombre de résidants retombant à 3 900 personnes en 1921. L’archipel a été déclaré territoire d’outre-mer en 1946, département en 1976, finalement collectivité territoriale d’outre-mer en 1985; il élit un député et un sénateur au parlement français, et dispose d’une assemblée territoriale (conseil général) de 19 membres représentant les deux circonscriptions, Miquelon (4) et Saint-Pierre (15); la majorité du conseil est à droite (17 contre 2 élus d’opposition) et le conseil territorial est présidé par Stéphane Artano, qui préside le mouvement local Archipel Demain. L’État est représenté par un préfet. L’archipel a un député, Annick Girardin, du Parti radical de gauche et présidente du mouvement local Cap sur l’Avenir, conseillère d’éducation populaire et jeunesse, également conseillère territoriale (dans l’opposition). Il a un sénateur, Denis Detcheverry (UMP), agent EdF, également conseiller municipal et ancien maire de Miquelon, et un membre du Conseil économique et social, Jacqueline André, présidente de l’Union professionnelle CFTC de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le maire de Saint-Pierre est Karine Claireaux (socialiste), qui l’a emporté à la fois contre les listes d’Annick Girardin (PRG) et d’Archipel Demain (droite). Le fond de peuplement est issu des Bretons, Normands et Basques immigrés, éventuellement par l’intermédiaire de l’Acadie, et l’emprise de la religion catholique a une longue et forte tradition. L’archipel a rejoint le camp allié dès décembre 1941. Saint-Pierre a été filmée par Patrice Leconte dans La Veuve de Saint-Pierre, dont l’héroïne était Juliette Binoche. Les naissances dépassent les décès (14,1‰ contre 6,7) mais les sorties l’emportent sur les entrées (déficit migratoire de - 4,9‰); cela laisse à l’archipel une croissance lente mais régulière. Environ 1 500 personnes ne sont pas nées dans le territoire. Cette population compte 25% de jeunes (moins de 20 ans), ce qui est proche de la moyenne française, mais a nettement moins de personnes âgées (10% de plus de 60 ans). L’archipel a quatre écoles publiques et quatre privées, un collège public avec annexe à Miquelon et un collège privé, un lycée général et un lycée professionnel publics, à Saint-Pierre. L’enseignement public réunit au total 800 élèves et 120 enseignants et employés, l’enseignement privé catholique 540 élèves et une soixantaine d’enseignants. Le Francoforum, à Saint-Pierre, est un institut français d’études linguistiques, qui voit passer 1 300 stagiaires étrangers par an. L’équipement hospitalier est également bien étoffé; l’hôpital de Saint-Pierre en centre-ville offre un peu plus de 100 lits, dont 40 médicaux, quelques-uns en maternité et 60 en maison de retraite; il compte 230 salariés, dont un peu plus de vingt pour le personnel médical. L’archipel n’a pas moins de sept musées. Quatre sont à Saint-Pierre, tous historiques: Héritage, l’Arche (archives), de la Prohibition, Cusick (collection privée). Un autre est à Miquelon (culture et patrimoine), deux sont à l’île aux Marins: Archipélitude et la maison Jézéquel (histoire de la pêche). La plupart des emplois sont dans l’administration, le commerce, les services et le bâtiment. La pêche reste présente, mais a beaucoup souffert de l’hostilité des intérêts nord-américains, qui s’est traduite par une restriction drastique de la zone maritime exclusive de l’archipel à 10 000 km2, et par le règlement franco-canadien de 1994 sur les quotas. L’activité s’est alors beaucoup réduite. La négociation des droits de pêche entre le Canada et la France, et leur respect, restent difficiles. L’archipel a une vingtaine de bateaux de pêche artisanaux, dont les prises sont de l’ordre de 1 400 tonnes par an, et accueille à l’occasion des navires de grande pêche, qui apportent 1 800 t de plus. L’usine de transformation Interpêche de Saint-Pierre emploie quelque 75 salariés, mais elle est loin de sa capacité maximale, qui avait été fixée avant la récession. Deux ou trois autres ateliers plus récents, pour la morue salée à Miquelon ou les crabes des neiges à Saint-Pierre, n’ont que quelques emplois, sauf en pleine saison. Quelques essais d’aquaculture, encore peu encourageants, ont été tentés pour la morue et la coquille saint-jacques. L’agriculture n’a qu’une place anecdotique, et ne compte que six exploitants professionnels. Quelques élevages de visons et de renards argentés ont été tentés, et les îles ont un élevage de canards (1 800 têtes) et un de poulets (33 000 têtes en tout); elles ont environ 400 moutons, et seulement une vingtaine de bovins. La surface agricole utilisée n’atteint pas le dixième de la surface des îles mais comporte des cultures de serres, où sont produites des tomates (7 t/an), d’autres légumes et surtout des laitues (50 à 30 t selon les années). Le port de Saint-Pierre est relié par mer à Miquelon, Langlade et à Fortune (Terre-Neuve). Le trafic de fret maritime est de l’ordre de 30 000 t par an et porte surtout sur les produits pétroliers (25 000 t) dont plus de 10 000 t sont consommés dans les deux centrales thermiques, une à Saint-Pierre (qui doit être renouvelée en 2012) et une à Miquelon. La production totale d’électricité est d’environ 42 GWh, dont 36 à Saint-Pierre et 6 à Miquelon. Toutefois, une centrale de 10 éoliennes a été installée à Miquelon et ajoute un apport modéré de 0,8 GWh. Le port maritime reçoit aussi environ 14 000 touristes, surtout nord-américains (10 000, pour 4 000 Français); encore compte-t-on parmi eux 2 000 croisiéristes qui ne passent qu’une partie de la journée, et les stagiaires de Francoforum. L’aéroport de Saint-Pierre, réaménagé à la Pointe Blanche en 1999, dispose d’une piste de 1 800 m, extensible à 2 200 m. Des liaisons aériennes existent entre Saint-Pierre et Miquelon, qui dispose d’une piste de 1 000 m. Air Saint-Pierre, filiale d’Air-France, assure la plupart des vols, vers Saint-John’s (Terre-Neuve), et vers les villes canadiennes de Halifax et Montréal, et à un moindre degré Moncton et à Sydney. Le nombre d’entrées de passagers par la voie aérienne est d’environ 10 000 Français et 15 000 étrangers par an, le trafic total des aéroports de 30 000 passagers annuellement. L’avion apporte aussi une centaine de tonnes de fret par an (les trois quarts avec Halifax) et 150 t de poste. Les relations avec Paris passent par Montréal. Mais l’équipement par téléphone et Internet est très répandu. Les îles comptent 3 200 emplois, dont 750 dans les administrations, 500 dans l’éducation et la santé; le commerce est évalué à 420 emplois, les services marchands à 400 dont un tiers aux entreprises et deux tiers aux particuliers, le bâtiment à moins de 300 emplois et l’industrie à moins de 200. le transport à 150. Les îles ont 8% de chômeurs, 10% de non-salariés. La population, les administrations et les entreprises disposent de 5 400 voitures dont 1 700 utilitaires, et 700 bateaux. Le commerce extérieur est évidemment très déséquilibré; environ 60 millions d’euros par an aux importations, dont 20% en produits alimentaires et 20% en produits pétroliers, et 7 M€ aux exportations, dont les neuf dixièmes en produits de la pêche et le reste en provisions de bord. Pourtant, le produit brut a été calculé à un assez haut niveau: plus de 160 millions d’euros en 2004, ce qui, par habitant, donnait plus de 26 000 euros et classait ainsi SPM au niveau des meilleures régions françaises et au-dessus des voisins du Labrador et de Terre-Neuve. Mais il faut tenir compte du fait que les retraités (qui comptent dans la population totale mais non dans la formation de produit brut) sont relativement peu nombreux, et que le coût de la vie et les salaires sont, ou du moins étaient alors, supérieurs à la moyenne française. La part des services non marchands se monte à la moitié du produit brut, les services administrés assurant 40% de la valeur ajoutée. Le niveau d’activité, notamment du bâtiment, a tendu à baisser au cours des années 2000, et la collectivité craint les nouvelles mesures visant à réduire les salaires des agents de l’État outre-mer. Quelques recherches de pétrole ont donné des signes encourageants, mais ne semblent pas devoir affecter vraiment l’avenir des îles à terme prévisible. V. l’intéressant document officiel illustré Saint-Pierre-et-Miquelon: un diagnostic du territoire, par D. Dussut (http://www.saint-pierre-et-miquelon.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DT_2007_web_cle677f76.pdf) |