vaste ensemble de collines herbagères et bocagères occupant une grande part de la Normandie occidentale, entre la plaine de Caen et la côte de Granville à Coutances. Il semble que le bocage s’y soit constitué plus tardivement qu’à l’est, mais il y est devenu bien plus serré et il s’y est maintenu. Cela tient en partie à son éloignement relatif de la région parisienne, et au morcellement des structures: l’exploitation paysanne y est restée plus menue qu’ailleurs, l’habitat encore plus dispersé, et même les manoirs ont pu y paraître un peu étriqués. Les petits propriétaires paysans trouvaient dans les haies des compléments de ressources, et pratiquaient aussi le colportage: de vieilles légendes sont associées dans l’Ouest de la France à ces «Bocains» errant dans les campagnes, toujours un peu inquiétants. Des industries rurales profitaient des excédents de main-d’œuvre; mais la plupart ont disparu. Elles ont été remplacées par des industries plus modernes dans quelques petites villes, de Villedieu-les-Poêles à Flers en passant par Vire et Condé-sur-Noireau. Certains aspects d’archaïsme ou de «mal développement» subsistent dans l’état de santé et de culture d’une partie de la population; au milieu des années 1970, le Normand Armand Frémont pouvait écrire: «De nos jours encore, la pathologie cachée du Bocage, sous des taux de mortalité devenus ordinaires, prolonge des maux qui semblent venir du lointain des âges. La trilogie de l’inceste, de la cirrhose et du suicide traduit les tentations et les affres d’une vie toujours difficile où les démons noirs de la lande semblent rôder encore au ras des haies. L’inceste donne la fille au père comme une jeune bête et comme un droit de maître. La cirrhose et les maladies cardio-vasculaires usent les organismes fatigués d’alcool et de café. Le suicide guérit et libère…» (Atlas et géographie de la Normandie, Flammarion, p. 205). Tandis que, «face aux exigences de l’industrie contemporaine, et malgré les aides de l’État et des municipalités, les vieux poids du Bocage jouent maintenant contre lui: son isolement, la faible qualification de la main-d’œuvre, la médiocrité des relations routières, ferroviaires, téléphoniques, la somnolence grise des petites villes, les «trous» qui, à l’avance, font frissonner d’ennui les épouses des «cadres» et des directeurs.» (Ibid., p. 223). Toutefois le Bocage a bien évolué depuis un demi-siècle et ne manque pas de nuances. Vers le nord, le relief est moins accidenté, le bocage s’aère un peu, les villes et les circulations sont plus actives; on préfère parfois y parler de «Pré-Bocage», du côté de Saint-Lô, de Torigni ou de Villers-Bocage. Les altitudes s’élèvent peu à peu vers le sud où l’on distingue vers Mortain et Domfront un Haut-Bocage, plus boisé, longtemps moins accessible, aux conditions de vie plus dures et où abondent des toponymes tels que lande, gast et même désert; mais il est maintenant plus attractif pour le tourisme grâce à ses bois, ses sites, et même ses bases de loisirs. Enfin, au sud-ouest, dans les bassins de la Sée et de la Sélune, les paysages s’ouvrent, l’attraction de Rennes se fait sentir, et quelques implantations industrielles réussies maintiennent un bon niveau d’activité. Curieusement, le terme Bocage n’apparaît que marginalement dans les noms de communautés de communes: Coutances, Mer et Bocage dans la Manche, Pays Fertois et Bocage Carrougien dans l’Orne, Pré-Bocage dans le Calvados. Alors que l’adjectif habituel de bocage est «bocager», le terme appliqué aux habitants et aux choses du Bocage normand est bocain. |