collectivité territoriale de la République française, devenue département en 2011, de population estimée à 310 000 hab. début 2023 (131 200 en 1997, 212 500 en 2012, 256 500 au recensement de 2017) sur 376 km2, soit une densité très élevée de 825 hab./km2 et une croissance rapide. Les habitants sont les Mahorais. Mayotte est une île tropicale à l’ouest de l’Océan Indien ou, plus exactement, un petit archipel, appartenant lui-même à l’archipel des Comores. Elle est située par 12°50’S et 45°10’E, environ 320 km au nord-ouest de Madagascar et 480 km de la côte orientale de l’Afrique, 1 500 km de la Réunion. La température moyenne est de 25 °C, avec un maximum de janvier-mars, et une hauteur de précipitations assez modérée, mais variable, de l’ordre de 1 300 mm par an, dans une ambiance humide, avec une saison plus sèche de mai à octobre. L’île principale, ou Grande-Terre, d’origine volcanique, et de formes très contournées, occupe 363 km2 et son altitude s’élève à 660 m au mont Bénara; elle mesure 43 km de long, dans le sens nord-sud, et 20 km de large au maximum, 2,5 km au minimum à la hauteur de Chirongui au sud. Cette île est bordée de récifs frangeants sur tout son pourtour, soit environ 160 km; elle est entourée d’un lagon de 1 100 km2, l’un des plus étendus au Monde, profond de quelques dizaines de mètres (maximum 93 m) et limité par un récif barrière assez continu, qu’ouvrent une douzaine de passes. Ce récif barrière se situe entre 800 et 5 000 m de l’île et son plateau occupe 211 km2. Près de la grande île au nord-est, un petit relief volcanique émerge du récif et forme l’île de la Petite-Terre (11 km2), où s’était fixé à partir de 1792, en position défensive, le chef-lieu de l’archipel, Dzaoudzi. De plus petites îles émergent du récif, comme Mtsamboro au nord-ouest, ou du lagon, comme les deux Choazil entre Mtsamboro et la Grande Terre, ou Mbouzi au nord-est, ainsi que plusieurs îlots. Cet ensemble occupe l’angle sud-est de l’archipel des Comores la plus proche des trois autres grandes îles, Anjouan, est à 60 km au nord-ouest. Le nom de Mayotte est réputé avoir un rapport avec un maouti d’origine arabe, qui évoque la mort, celle des nombreux naufragés qui ont péri sur ses récifs. L’île a été peuplée principalement par des populations d’origine africaine et malgache, souvent des esclaves des marchands et seigneurs arabes; environ 70% des natifs parlent le shimaoré, de la famille bantou-swahili, 24% le bushi (ou shibushi, kibushi) qui appartient à la famille malgache et qui se cantonne aux villages du sud et de l’ouest de l’île principale. Mais la présence arabe, qui remonte au 12e siècle, s’est imposée dans la religion, les patronymes et les institutions, la quasi-totalité de la population étant musulmane et les pouvoirs traditionnels ayant été ceux des sultans et des cadis. Mayotte, attaquée en 1792 par des groupes malgaches, n’avait plus guère que 3 000 hab. au début du 19e siècle, la plupart réfugiés sur Petite-Terre. Elle a été la première île comorienne vendue à la France en 1841 par le sultan, qui avait pu reconquérir la Grande-Terre en 1833. Le protectorat s’est étendu au reste des Comores en 1866, puis l’archipel a été considéré comme colonie en 1912, annexé alors à Madagascar, et transformé en Territoire d’outremer en 1946. Le chef-lieu de l’archipel, d’abord à Dzaoudzi, a été transféré ensuite à Moroni (Grande Comore), ce qui a contribué à une impression de marginalisation de l’île dans l’archipel. Les discussions, revendications et manifestations ultérieures ont abouti à la division: les électeurs de Mayotte ont massivement choisi en 1974 (64%) et 1976 (99%) de rester sous l’autorité de la France, tandis que les autres îles votaient en faveur de l’indépendance. Mayotte devenait ainsi une collectivité territoriale de la République française. Depuis, l’État des Comores ne cesse de demander l’intégration de Mayotte et a même obtenu en ce sens une résolution des Nations unies, restée inappliquée. Une nouvelle consultation, modifiant le statut de Mayotte au sein de l’Outre-mer français, a été approuvée en 2000, avec une majorité de 73% des votants. Le statut de l’île est donc celui de la Constitution française, aménagée par une loi de 2001 qui la définit comme «collectivité départementale», ni département ni territoire. Puis le référendum du 29 mars 2009 a décidé de son passage au statut départemental, effectif en 2011. Mayotte est divisée en 17 communes, dont la plupart regroupent plusieurs villages qui sont des sous-unités de gestion et de recensement — on compte environ 70 villages en tout. La collectivité comporte également 13 nouveaux cantons dont les 26 élus forment l’Assemblée départementale. L’autorité de l’État est représentée par un préfet; après avoir dépendu de la Réunion, le territoire a été élevé au rang d’académie en 2020, avec un recteur. Mayotte est représentée au Parlement français par deux députés et par deux sénateurs. La collectivité territoriale a aussi un Comité économique et social de 32 membres et un Conseil de la culture, de l’environnement et de l’éducation (22 membres). La population de Mayotte est encore dans la dualité par rapport à la loi. Les dispositions anciennes admettaient que ses habitants, pour les affaires quotidiennes, pouvaient opter pour la loi coranique, administrée par les cadis, ou pour la loi de la République, appliquée par des tribunaux normaux. La première suivait la charia et autorisait la polygamie. Le statut de 2001, toutefois, a apporté des limites à ces choix, progressant notamment vers l’égalité des sexes et la réduction du pouvoir des cadis, devenus assesseurs ou médiateurs. De nombreuses ordonnances avaient déjà permis, entre 1989 et 1998, de faire évoluer les textes et les pratiques en direction des règles métropolitaines. La loi organique de 2010 et la départementalisation harmonisent la loi avec celle de la République: interdiction de la polygamie pour les nouveaux mariages, une seule justice (mais qui devra tenir compte des coutumes…). La situation actuelle est donc celle d’un territoire de transition, qui fait figure de région privilégiée dans son environnement. Le produit brut est évalué à 2 900 millions d’euros pour 2019 (Réunion 20 000, Guadeloupe et Martinique aux alentours de 9 000). Le produit annuel par habitant, près de 10 000 euros, est 2,5 fois inférieur à ceux de la Réunion, de Guadeloupe et Martinique mais six ou sept fois supérieur à celui des autres Comores. Cela entraîne un puissant appel de Comoriens vers Mayotte — et de Mahorais vers la Réunion. Mayotte avait 42 000 habitants en 1975; sa population est passée à 131 400 hab. au recensement de 1997, 160 300 à celui de 2002, 186 400 en 2007 et dépasse 300 000 en 2023. La forte natalité est pour beaucoup dans la croissance (le solde naturel est de 33% par an), et la population mahoraise est très jeune, ce qui pose d’énormes problèmes d’équipement scolaire; or le solde migratoire est considéré comme encore positif (5% par an) en raison des nombreuses entrées en provenance des autres îles des Comores, surtout Anjouan. Ajoutons que Mayotte reçoit beaucoup de Comoriennes venues accoucher. Le niveau de vie médian est le plus faible des départements français, évalué à 3 140 euros par an contre 16 500 à la Réunion, un septième de la moyenne nationale; il en est de même pour le niveau moyen d’éducation. On estime que plus de la moitié de la population de Mayotte est «étrangère» et clandestine; les Anjouanais viennent nombreux sur des embarcations de fortune, non sans victimes, et s’entassent dans des logements précaires: les bidonvilles ont fleuri dans l’île. Les reconduites «à la frontière» sont massives à partir du centre de rétention de Pamandzi, d’ailleurs très critiqué, mais elles sont forcément partielles. Il en résulte une situation sociale tendue, un taux élevé de chômage (34%), un habitat souvent médiocre en dépit de la diffusion des «cases Sim» colorées, en accession à la propriété, mises au point et diffusées par la Société immobilière de Mayotte (société d’État). En outre, l’évacuation des déchets et les installations sanitaires sont en difficulté, l’approvisionnement en eau potable est devenu problématique, des réductions drastiques ayant dû être décidées en 2023. S’y ajoutent les difficiles problèmes d’alphabétisation, le fonds linguistique étant swahili et malgache et l’apprentissage du français difficile, quoique en voie de généralisation. La place de l’enseignement est éminente, tant en raison des besoins linguistiques que des effectifs qu’il mobilise: le rectorat de la nouvelle Académie, créée en 2020, est de loin le plus grand «employeur» de l’île, et l’enseignement le principal poste de dépense du budget public. Mayotte est dotée de 190 écoles recevant 58 000 élèves, 30 000 jeunes gens fréquentent les 22 collèges et 20 000 les 11 lycées. Certains lycées préparent à des BTS mais Mayotte débute dans l’enseignement supérieur; il existe un Institut de formation des professeurs des écoles (à Dembéni) et une antenne du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Un pôle universitaire s’esquisse; le département soutient déjà des bourses et des thèses, des liens ont été tissés avec plusieurs universités métropolitaines en plus de ceux qui ont été établis avec celle de la Réunion. Le Centre universitaire de formation et de recherche Mayotte (CUFR) a été créé en 2011, installé à Dembéni. Mayotte compte ainsi 1 800 étudiants, avec des enseignements supérieurs en lettres, droit, gestion et sciences. L’économie locale reste fragile: la moitié du produit brut vient de l’administration et des services publics, un quart des petits travaux des ménages et des entreprises individuelles, seulement un quart des entreprises à salariés. L’agriculture reste presque exclusivement vivrière; les terres cultivées n’excèdent guère 6 000 ha (un sixième de la superficie) pour 4 300 exploitations agricoles déclarées, dont 2 200 ha en bananes, 380 en ananas, 160 en orangers, 1 400 ha en manioc, le reste aux prairies (10 000 bovins, 2 400 caprins). La colonie fut sucrière au milieu du 19e siècle, mais a depuis longtemps cessé de l’être. La consommation de riz est générale, sa culture anecdotique (40 ha); on cultive un peu de vanille (130 ha) et d’ylang-ylang (460 ha), introduit par Pierre Poivre au 19e siècle, mais les exportations sont en déclin. La pêche, essentiellement vivrière aussi et pratiquée par 4 800 personnes, en partie organisées par la Copemay (Coopérative des pêcheurs de Mayotte) et dont les prises sont évaluées à 2 000 tonnes par an, serait passée en tête aux exportations. Il est vrai que celles-ci sont très faibles: on les estime à peine à 5 millions d’euros par an, au total, pour 270 millions aux importations, qui portent en grande partie sur les produits pétroliers. Mayotte est desservie par deux centrales électriques thermiques (Badamiers à Dzaoudzi, Longoni à Koungou) de 40 MW chacune, en cours d’extension, la consommation augmentant régulièrement. Des efforts sont faits dans le domaine de l’énergie solaire depuis 2013 mais leur apport n’excède guère 6% de la production d’électricité, assurée par Électricité de Mayotte (EDM), société mixte associant la collectivité départementale, EDF et la SAUR. La branche du bâtiment et des travaux publics est la plus fournie, occupant plus du tiers des salariés, mais le commerce progresse (22% des salariés contre 20% aux services et 13% à l’industrie) et l’île a reçu sa collection de supermarchés et même d’hypermarchés. Les plus grandes entreprises sont d’ailleurs dans la grande distribution (Bourbon et Sodifram), et dans la distribution d’électricité (EDM), d’eau (Sogea) et de carburants (Total), ainsi que les travaux publics (notamment le groupe Colas). Le tourisme proprement dit reste mesuré, avec un peu plus de 10 000 personnes par an, le nombre total de visiteurs ayant été de 75 000 en 2022, dont plus de 50 000 en visite familiale et 10 000 pour affaires. Le territoire de Mayotte est accidenté et la circulation y est difficile. Il est très boisé et compte un certain nombre d’espèces originales, que s’efforcent de protéger tout un ensemble de réserves forestières sur les hauts (5 600 ha), et plusieurs réserves marines visant notamment à préserver les tortues et les dugongs (mammifères marins proches des lamantins). L’île est relativement abritée des alizés, mais soumise à une mousson de sens nord-sud. Les températures moyennes varient entre 22 et 31 °C, la moyenne générale étant vers 25,6 °C. La forêt couvre environ 50% de la surface, 18 000 ha, mais à moitié en forêt sèche ou dégradée; il reste 500 ha de mangrove sur les rivages de la Grande Terre, notamment dans la baie de Bouéni. L’occupation du territoire est dissymétrique: à partir de la capitale Dzaoudzi, à vrai dire un petit village sur son îlot maintenant rattaché à la Petite-Terre par la chaussée dite boulevard des Crabes, se sont développés sur cette Petite-Terre un ensemble d’activités et de logements dans les agglomérations de Labattoir et de Pamandzi, ainsi que l’aéroport de Mayotte. Juste en face sur la Grande-Terre, l’agglomération de Mamoudzou concentre l’essentiel des emplois. Petite-Terre et Mamoudzou sont reliées par un défilé incessant de «barges» à travers le détroit. Les autres bourgades et les villages s’échelonnent le long de la côte de la Grande Terre. Mais le port maritime a été établi à Longoni sur la côte nord, face à la plus profonde passe du récif barrière, et la population augmente vivement le long de la côte entre Mamoudzou et Longoni, par Koungou. La Grande-Terre est cloisonnée par des crêtes, dont la principale est dans le sens de la longueur, nord-sud; la côte orientale, la plus fréquentée depuis Mamoudzou, a reçu les principaux équipements touristiques. La côte occidentale, moins accessible, conserve un visage plus traditionnel, ce qui d’ailleurs lui vaut une autre forme de tourisme, mais de visite et de menus achats plus que de séjour, comme à Sada qui en est la ville principale. Très peu de villages sont établis à l’intérieur, sauf quelques-uns dans la partie centrale. |