Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

territoire d’outre-mer créé en 1955. Il est divisé en cinq districts: Amsterdam et Saint-Paul, les îles Crozet, les îles Kerguelen, Terre-Adélie, le dernier étant formé des Îles Éparses, qui lui ont été rattachées par une loi de 2007. Le territoire rassemble ainsi des espaces insulaires sans population permanente mais partiellement habités: ils sont dotés de bases à destination scientifique où la présence humaine est constante, puisqu’elles sont conçues pour l’hivernage et régulièrement ravitaillées. Quatre bases des régions froides sont établies et entretenues: Martin-de-Viviès à Amsterdam, Alfred-Faure aux Crozet (Possession), Port-aux-Français à Kerguelen, Dumont-d’Urville en Terre-Adélie. Une cinquième, assez différente, est l’objet d’une coopération internationale en plein continent antarctique et reliée à Dumont-d’Urville.

Trois autres postes sont tenus dans les Éparses, ce qui porte à huit le nombre de lieux habités dans l’ensemble des TAAF. Le territoire est géré par un préfet, dont les bureaux ont été installés à la Réunion en 2000 et occupent 40 personnes; une antenne est à Paris. Le statut de Terre-Adélie est un peu particulier puisque les accords internationaux de 1959 excluent l’appropriation nationale de l’Antarctique. Les TAAF n’ont aucun aérodrome hors des Éparses; mais quatre navires sont affectés spécialement au service des îles australes et des terres antarctiques.

Le Marion-Dufresne, un navire construit au Havre et lancé en 1995, long de 120 m, déplaçant 10 380 t et d’une puissance de 2x3 000 kW, d’un port en lourd de 4 900 t et d’un tirant d’eau de 6,95 m, a un équipage de 50 personnes et peut embarquer 110 passagers. Il a été équipé pour la recherche océanographique et dispose ainsi de 650 m2 de laboratoires; il peut prélever des carottes jusqu’à 60 m de long. Il transporte aussi du fret et des carburants pour les stations, et il est doté d’un hélicoptère. Armé par la CMA-CGM, il est affrété par les TAAF et l’Institut Paul-Émile Victor et consacre une partie de la saison d’été boréal à des expéditions vers l’Arctique, une autre partie de l’année à des campagnes spécifiques, et éventuellement au service des îles Éparses. Il est basé à la Réunion, d’où il assure la logistique de trois des cinq districts des TAAF en quatre rotations annuelles de quatre semaines vers Crozet, Kerguelen puis Amsterdam, trois en été et une en hiver, et admet depuis quelque temps des touristes. En 2009, le voyage (28 jours) en pension complète coûte 5 600 euros en cabine individuelle, 13 400 pour un couple (davantage en cabine «vip»); la moitié du temps se passe en mer, l’autre moitié à terre où sont organisées des excursions; le débarquement à Saint-Paul n’est pas garanti.

L’Astrolabe, un navire de type Supply de 65 m de long et 1 700 tonneaux, équipé pour naviguer parmi les glaces et doté de deux hélicoptères, assure les liaisons avec la Terre-Adélie depuis la Tasmanie (2 700 km), en 5 rotations annuelles (novembre à mars), et peut loger 48 passagers (13 cabines); il appartient à la compagnie P&O et il est affrété par les TAAF et l’IPEV. La Curieuse, navire côtier de 26 m, une vedette participant aux recherches océanographiques, armée et affrétée par l’Institut Paul-Émile Victor, était affectée aux recherches le long des côtes des Kerguelen mais n’est plus en service depuis 2005 faute de crédits.

Le patrouilleur militaire Albatros, un navire armé de 85 m de long et qui déplace 2 000 t, pour un tirant d’eau de 6 m, lancé en 1966, en service actif de 1984 à 2012, basé à la Réunion, sillonne et surveille inlassablement les mers. Les frégates armées Floréal et Nivôse (94 m, 2 900 t, 4 moteurs de 6 700 kW chacun, un hélicoptère) lancées en 1990 et 1992 et basées à la Réunion effectuent également des patrouilles. Est en outre affectée à la surveillance des zones de pêche l’Osiris, basée à la Réunion, par ironie un ancien palangrier qui fut lui-même arraisonné pour fraude par la Nivôse en 2003, saisi, confisqué et reconverti en patrouilleur en 2005…

En effet, ces terres lointaines procurent à la France l’avantage et la responsabilité d’une «zone économique exclusive» de 2 500 000 km2 (avec les Éparses) aussi poissonneuse que dangereuse, et fréquentée à l’occasion par des pêcheurs non autorisés. Des contingents de prises ont été fixés et répartis, dans le souci du «développement durable» et de la préservation des ressources renouvelables. Il s’agit donc à la fois de montrer que la France respecte ses engagements et soutient ses prétentions de souveraineté.

La pêche porte surtout sur les langoustes (Amsterdam, Saint-Paul et Crozet) et sur les poissons des eaux froides, en particulier les légines (Dissostichus eleginoides), une sorte de morue très appréciée, dite parfois bar du Chili ou abusivement mérou. Un quota de 6 500 t/an est réparti entre cinq armements réunionnais mettant en œuvre 3 chalutiers et 5 palangriers, ces derniers étant encouragés; en outre, des chalutiers ukrainiens avaient obtenu une autorisation limitée. Des navires d’autres nationalités, notamment australienne comme l’Oceanic Viking, participent également à la surveillance des zones de pêche et relâchent à l’occasion dans les îles australes.

Les recherches scientifiques portent sur la magnétosphère, la basse atmosphère et l’aérologie, les séismes, la glaciologie, la biologie, l’océanographie et même la psychologie des isolats en conditions extrêmes. Elles sont coordonnées par l’IFRTP (Institut français de recherche et la technologie polaires), créé en 1992, devenu Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) en 2002, un groupement d’intérêt public (GIP) d’une durée de 12 ans associant plusieurs organismes de recherche, dont le CNRS et l’Ifremer, et servant d’agence de moyens; son siège est à Brest; il dispose aussi d’une base au Svalbard (Arctique). Les TAAF ont une autre ressource, pour ne pas parler de mission, qui est l’édition et l’oblitération de timbres postaux; cette activité a un grand succès et occupe notamment le bureau de poste des Crozet. Une réserve naturelle au nom de «parc national» a été établie en 1936 pour la préservation biologique (surtout ornithologique) des îles Amsterdam, Saint-Paul, Crozet et du nord-ouest des Kerguelen, et toute une série de mesures en ont depuis confirmé le rôle et le soin.

Les Bossière.

Les frères Bossière, nés en 1857 et 1859 et tous deux morts en 1941, étaient des armateurs havrais qui avaient fondé une société pour l’exploitation des ressources maritimes des mers du Sud. Ayant affirmé sa souveraineté sur les îles du sud de l’océan Indien en même temps qu’il déployait ses ambitions du côté de Madagascar et des îles voisines, le gouvernement français crut bon de leur attribuer en 1893, pour cinquante ans, la concession générale d’exploitation de ces îles jusque-là laissées aux allées et venues de pêcheurs et d’aventuriers de tout poil, voire de navires anglais officiels. Ils reçurent même le titre de résident de France et le droit d’émettre des timbres-poste - jusqu’à ce que les îles fussent rattachées, en 1924, à la colonie de Madagascar: on reprochait alors aux Bossière d’avoir été assez négligents et d’avoir trop laissé faire les Anglais. Les frères étaient parvenus à créer en 1900 une Compagnie des Îles Kerguelen et, en 1908, en s’associant à des Norvégiens, en fait seuls opérateurs, une base de traitement des cétacés à Port-Jeanne-d’Arc (Kerguelen), qui dut fermer en 1922. Ils avaient ouvert en 1912 dans la même île une station d’élevage de moutons, qui ne dura que quelques mois. Leur dernier exploit fut la création d’une conserverie de langoustes en 1928 à Saint-Paul, abandonnée (avec ses employés) trois ans après. Depuis, il n’y a plus aucune forme d’exploitation terrestre dans les TAAF: seulement des pêches - et des émissions de timbres-poste, mais évidemment imprimés en France.

L’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV).

Cet Institut est un centre de recherche scientifique public, à statut de groupement d’intérêt public, auquel participent le CNRS, l’Ifremer, le CEA, Météo-France, le Cnes, les Expéditions Polaires françaises, plusieurs ministères et les TAAF. Il a été créé en 1992 et prolongé pour 12 ans en 2002; il est basé à Brest et réunit 55 personnes, dont les deux tiers du CNRS, plus 70 supplétifs temporaires pour les campagnes et hivernages. Il dispose de deux bases en Antarctique et une en Arctique (deux unités au village scientifique international de Ny Alesund au Svalbard), plus trois dans les îles Australes (Crozet, Amsterdam et Kerguelen), et il a l’usage des navires l’Astrolabe et Marion-Dufresne.