Nouvelle-Calédonie

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LA NOUVELLE-CALÉDONIE, WALLIS ET FUTUNA DANS LE SUD-OUEST DU PACIFIQUE

pays d’outre-mer dans la République française, situé dans le sud-ouest du Pacifique (Mélanésie) au niveau de 21°S et de 166°E pour sa partie centrale, à environ 16 700 km de Paris, 7 000 de Tokyo et 10 000 de la Californie; le décalage horaire entre Paris et Nouméa est de 10 h en hiver, 9 h en été. L’ensemble ainsi dénommé comprend une partie habitée et des dépendances inhabitées. La première est elle-même divisée en une grande île d’orientation NO-SE et habituellement appelée la Grande-Terre, d’îles annexes qui la prolongent et dont la plus étendue est l’Île-des-Pins au sud, et d’un archipel qui la flanque à l’est et porte le nom d’îles Loyauté. Les dépendances sont les récifs coralliens des Chesterfield et de Bellona à l’ouest, d’Entrecasteaux et Pétrie au nord, et les îles Walpole, Matthew et Hunter au sud-est. Au total, les parties émergées s’étendent sur 18 576 km2.

Leur population était de 230 800 habitants au recensement de 2004, et elle est estimée à 250 000 hab. au début de 2009. Cela ne représente qu’une assez faible densité de population, environ 13 hab./km2. Le taux d’accroissement est élevé, supérieur à 1% par an, pour un taux de natalité de 1,6% et un taux de mortalité de moins de 0,5%. Le peuplement initial, d’origine mélanésienne, remonte à plusieurs milliers d’années; il s’est enrichi d’arrivées polynésiennes depuis un millier d’années. L’ensemble des populations d’origine est habituellement désigné sous le nom de Kanak, un terme général d’origine hawaïenne, plus tard francisé en Canaques. À partir du milieu du 19e siècle, le peuplement s’est diversifié avec la colonisation.

James Cook aborda la Grande-Terre en 1774 du côté de Balade, au nord-est, et la nomma New Caledonia en souvenir de sa Calédonie natale en Écosse. Il nomma également Pines Island l’île méridionale, dont les araucarias l’avaient impressionné. D’Entrecasteaux conserva ce nom en le traduisant en île des Pins lorsqu’il la vit à son tour en 1792. Beautemps-Beaupré puis Dumont d’Urville firent au début du 19e s. des relevés océanographiques et cartographiques. C’est seulement en 1840 que des missionnaires britanniques s’installèrent aux Loyauté en y prêchant le protestantisme, ce qui attira des catholiques français dès 1843, et provoqua quelques conflits.

Des militaires français apparurent alors sur la Grande-Terre (1844), tandis que l’Anglais Paddon achetait l’île Nou à un chef canaque (1845) pour y faire du commerce et de l’élevage. Dès 1847 l’armée se heurta aux Canaques, et la France décréta prendre possession de la Grande-Terre et de l’île des Pins en 1853; l’officier Montravel se vit confier le soin de créer le premier établissement colonial français, nommé dès 1854 Port-de-France et rebaptisé Nouméa en 1866; Paddon avait accepté de revendre l’île Nou à la France en 1858. Vers cette époque, le territoire en son entier était réputé avoir entre 50 000 et 90 000 habitants.

Il devint colonie pénitentiaire dès 1864 et reçut au moins 20 000 prisonniers jusqu’en 1897, date de la fermeture des bagnes — dont 4 300 prisonniers politiques en 1871, après l’insurrection de la Commune de Paris. Les bagnes furent d’abord établis sur l’île Nou, la presqu’île Ducos et l’île des Pins, puis dans la Brousse sur la côte sous le vent jusque vers Bourail. Simultanément, la découverte de nickel (1863) attira des mineurs, aventuriers et spéculateurs, puis la Grande-Terre reçut des Alsaciens-Lorrains devenant agriculteurs. À la fin du 19e siècle, des travailleurs asiatiques furent importés pour le travail des mines.

Vers 1900, la Nouvelle-Calédonie abritait environ 20 000 Européens, dont la moitié issus de familles de forçats, et quelques milliers d’Asiatiques, le nombre de Canaques semblant s’être abaissé alors à 30 000 personnes. Hormis des arrivées régulières de colons et le passage plus ou moins bref de fonctionnaires, enseignants et soignants, la Nouvelle-Calédonie reçut au milieu du 20e siècle d’autres chocs démographiques avec l’établissement d’une énorme base militaire états-unienne en 1942, puis des vagues de «Pieds-Noirs» du Maghreb, et de nombreux travailleurs importés de Wallis-et-Futuna surtout, d’Indonésie, et à un bien moindre degré de Polynésie.

La Nouvelle-Calédonie passa de 66 500 habitants en 1956 (dont 35 000 Mélanésiens, soit 53%, 25 000 Européens et 12 000 «autres») à 133 200 en 1976, ce qui représente plus qu’un doublement en vingt ans. La part des Mélanésiens tomba à 42%, sans doute son minimum historique — c’était l’époque où le territoire accueillait des familles quittant l’Afrique du Nord et où, devant la montée des mouvements indépendantistes dans la population mélanésienne, certains colons appelaient à «faire du Blanc», c’est-à-dire à accroître la part des Blancs dans la population. En 1996 (dernières données disponibles en la matière), sur 196 800 habitants les «Mélanésiens» étaient 87 000 (44%), les Européens 67 000 (34%); 18 000 habitants étaient issus de Wallis-et-Futuna (9%), 5 200 étaient réputés «Tahitiens» (en fait Polynésiens), 5 000 Indonésiens, 2 800 Vietnamiens et 2 200 Ni-Vanuatu. Il est probable que la part des Kanak est remontée depuis.

Les distinctions demeurent, en effet, entre ceux qui sont désignés comme Kanak, un terme repris dans les années 1980 comme élément de fierté, tandis que la statistique officielle lui préfère Mélanésiens; les Caldoches, ou Blancs de souche européenne mais natifs du pays, créoles en somme; les Métro (ou Zoreil) qui sont les Blancs arrivés depuis peu, ou de passage; voire les Chandang (Vietnamiens nés sur place), les Kakanes (d’origine indonésienne), les Wallis (originaires de Wallis-et-Futuna) et les Tahipouet (de Polynésie française). Mais les institutions ont évolué sous l’effet des mouvements d’opinion et des événements dramatiques qui ont marqué les années 1980.

La Nouvelle-Calédonie a été durant presque un siècle, de 1853 à 1946, une simple colonie — et même, durant 33 ans sur 93, une colonie pénitentiaire. Les rapports avec la population autochtone étaient établis par le code de l’indigénat de 1887, qui n’a été aboli qu’en 1946. La puissance coloniale y admettait une certaine autorité des chefs coutumiers pour les affaires courantes, et garantissait l’usage de terres à des «tribus», en fait créées par le gouverneur à partir des villages existants. Ce système permettait d’attribuer aux colons de vastes propriétés, notamment en plaine, et conférait aux tribus et à leurs chefs une sorte de responsabilité collective en cas de difficulté. Des difficultés, il y en eut évidemment, et même de violentes rébellions, notamment en 1878 et en 1917.

En 1946, la Nouvelle-Calédonie devenait un «territoire d’outre-mer» et les droits des personnes furent ensuite peu à peu harmonisés, le droit de vote finissant par être généralisé en 1957. Le processus démocratique permettait l’expression de nouvelles aspirations, vers une certaine autonomie puis, peu à peu, vers l’idée d’indépendance. C’est le chemin que parcourut le principal animateur des mouvements kanak, Rock Pidjot, fondateur de l’Union Calédonienne et qui fut député du territoire à Paris de 1964 à 1986. Des mesures prises par les gouvernements français de 1963 à 1974, en partie sous la pression des grandes familles et intérêts économiques caldoches représentés notamment par Jacques Lafleur, renforçaient le pouvoir de l’État et des firmes, notamment sur le nickel, et encourageaient l’immigration: elles ont contribué à radicaliser les oppositions.

Le mouvement identitaire kanak s’est surtout développé à partir de 1970, nourri par de jeunes Calédoniens qui avaient fait leurs études en France. Un Front indépendantiste fut formé en 1979, puis le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) apparut en 1984 sous l’impulsion de Jean-Marie Tjibaou (1938-1986), déjà maire de Hienghène, issu de l’Union Calédonienne dont il était devenu vice-président, mais soucieux d’aller plus loin. En décembre 1984, à Tendianite (Hienghène), village natal de Tjibaou, l’assassinat de dix militants, dont deux de ses frères, fut un drame majeur, suivi en janvier 1985 par le meurtre de son adjoint Éloi Machoro à La Foa. Tjibaou accepta néanmoins des discussions avec le nouveau haut-commissaire (puis ministre) du gouvernement français, Edgard Pisani (janvier-novembre 1985), aboutissant notamment à l’idée de l’«indépendance-association», ainsi qu’à la mise en place d’une région Nord dont il devint le président et où apparurent des écoles populaires kanak.

Les deux ans du gouvernement Chirac (1986-1988) se situèrent à contre-courant, le RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République) fondé et animé par Jacques Lafleur se sentant soutenu à Paris. La dramatisation culmina à la veille des élections présidentielles avec l’attaque de la gendarmerie d’Ouvéa le 21 avril 1988 et l’affrontement meurtrier de la grotte de Gossanah (Ouvéa), où les otages étaient retenus, le 5 mai (21 morts). Le second succès électoral de François Mitterrand changea à nouveau la donne.

Très vite les négociations, menées par le gouvernement de Michel Rocard, débouchèrent sur les accords de Matignon (juin 1988) qui définirent l’esprit des nouvelles institutions. Malgré le meurtre de J.-M. Tjibaou (mai 1989) dans des conditions obscures, le référendum de novembre 1989 fut approuvé, bien que les Caldoches de Nouméa aient apporté une majorité d’abstentions et de votes hostiles. Une décennie plus tard, le gouvernement Jospin mettait en place les nouvelles institutions par les accords de Nouméa (1998), approuvés massivement par un référendum de novembre 1998, et précisés par la loi organique de 1999, qui substituait notamment le concept de «pays» à celui de «territoire». Les «lois de pays» de 2004 ont apporté de nouvelles précisions et défini la citoyenneté calédonienne.

Les institutions. La Nouvelle-Calédonie est donc actuellement un pays d’outre-mer de la République Française. Elle est divisée en trois provinces Nord, Sud et Îles (plus précisément les trois Loyauté), chacune disposant d’une Assemblée de province élue au suffrage universel, au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle: 40 membres pour le Sud, 22 pour le Nord, 14 pour les Îles. Une partie de ces mêmes élus forment le Congrès tout en continuant à siéger dans l’assemblée de province: 32 élus pour le Sud, 15 pour le Nord, 7 pour les Îles.

Ce Congrès de 54 membres est le parlement de la Nouvelle-Calédonie. Il élit, à la proportionnelle des listes, les membres du gouvernement dont le nombre est de cinq à onze; le gouvernement élit son président, et un vice-président issu de la minorité. Les membres du gouvernement cessent d’être membres des Assemblées et du Congrès, où ils sont remplacés par les suivants de liste — mais ils retrouvent leur siège s’ils quittent le gouvernement. Normalement, toutes ces institutions sont élues pour cinq ans mais des ajustements restent possibles par démission ou décès.

Le gouvernement actuel est présidé depuis 2009 par Philippe Gomès (UMP), originaire d’Alger, ancien fonctionnaire et ancien président de la Province du Sud. Le vice-président est Pierre Ngaiohni, de Maré, élu FLNKS du groupe de l’Union Calédonienne, ancien enseignant d’histoire et géographie; son prédécesseur était une femme, Déwé Gorodey, écrivain et professeur de français à Houaïlou, élue FLNKS-UNI du Nord. Le gouvernement comporte 9 ministres, dont deux femmes, Mme Gorodey restant membre du gouvernement.

Au Congrès, la majorité, compte tenu de la forte représentation du Sud (près de 60% des sièges), reste anti-indépendantiste. Mais les partis sont changeants. Le bloc de droite, largement soutenu du côté Caldoche, s’est divisé en partis différents, par contestation de la longue domination de Jacques Lafleur et du RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République), forme locale du RPR chiraquien créé en 1977 et dont les premières sécessions sont apparues en 1995. Aux élections de 2004, sont venus en tête le Rassemblement-UMP (16 élus), héritier du RPCR, et L’Avenir Ensemble, qui résulte d’une scission de l’ancien RPCR et qui était mené par Harold Martin, devenu ensuite président du gouvernement (16 élus); le Front National avait obtenu 4 sièges. Le chef de file de l’UMP Pierre Frogier, par ailleurs député, a été élu président du Congrès en 2007. Puis, sans toucher à l’essentiel, des mouvements ultérieurs ont modifié un peu la donne: de L’Avenir Ensemble est sorti en 2008 le groupe Calédonie Ensemble, sous la direction du président de la province du Sud, Philippe Gomès, avec 12 élus, le reste d’Avenir Ensemble s’associant à deux élus issus du Front National (Mouvement calédonien français), les deux autres restant non-inscrits. Et Jacques Lafleur, quelque peu isolé, créa en 2006 un Rassemblement pour la Calédonie (RPC), dont toutefois le sénateur-président Simon Louekhote s’est retiré assez vite pour fonder en 2008 à son tour un nouveau LMD (Le Mouvement de la Diversité).

De leur côté, les indépendantistes sont divisés entre quatre tendances de poids inégal: un FLNKS-UNI-Palika (Parti de libération kanak), fort dans la province du Nord; un FLNKS-Union Calédonienne issu de la plus ancienne tradition indépendantiste de Rock Pidjot, puissant dans les Îles et en progrès récent partout; un Parti travailliste nouveau (créé en 2007), représentant une gauche radicale et lié au principal syndicat (Union syndicale des travailleurs kanak et exploités, USTKE); et le LKS (Libération kanak socialiste) apparu en 1981 et surtout présent dans les Loyauté.

Finalement, le Congrès élu en 2009 compte une majorité de 31 anti-indépendantistes, dont 13 Rassemblement-UMP, 10 Calédonie Ensemble, 6 Avenir Ensemble, 2 RPC (dont J. Lafleur), et une opposition de 23 indépendantistes dont 19 FLNKS (divisés en 11 Union calédonienne et 8 UNI-Palika), trois travaillistes et un LKS. Le Front National a disparu. Le Congrès est présidé par Harold Martin, précédemment chef du gouvernement, élu d’Avenir Ensemble et maire de Païta. Les trois hommes forts parmi les élus du territoire sont donc Philippe Gomès, président du gouvernement (naguère de la Province Sud), Harold Martin, président du Congrès (naguère du gouvernement), et Pierre Frogier, président de la Province du Sud (naguère du Congrès) et député, tous trois UMP. Sur les élections de 2009, v. J.-C. Gay, «Les élections provinciales de 2009 en Nouvelle-Calédonie» dans https://mappemonde-archive.mgm.fr/actualites/elecNC.html).

Une autre institution originale est le Sénat coutumier, composé de seize membres désignés par les conseils coutumiers, à raison de deux représentants pour chacune des huit aires coutumières. Celles-ci assurent la présidence du sénat pour un an, chacune à son tour. Le Sénat s’occupe par définition des affaires coutumières et de tout ce qui touche à l’identité kanak. Il gère notamment le Conservatoire de l’Igname (Païta).

La Nouvelle-Calédonie a aussi un Conseil économique et social, composé de 39 membres: 4 représentants d’associations et organismes professionnels pour les Îles, 8 pour le Nord, 16 pour le Sud; 2 personnes désignées par le Sénat coutumier et 9 personnes qualifiées choisies par le gouvernement. Son président actuel est Robert Lamarque, du groupe des personnes qualifiées, retraité, énarque et ancien président de tribunal administratif.

La Nouvelle-Calédonie envoie à Paris deux députés et un sénateur, tous UMP: Gaël Yanno et Pierre Frogier à l’Assemblée nationale et Simon Loueckhote au Sénat (le seul notable UMP d’origine kanak, originaire de Fayaoué à Ouvéa, ancien instituteur, sénateur depuis 1992, et qui fut président de la province ainsi que du Congrès); et deux membres du Conseil économique et social, Bernard Paul (médecin, UMP, ancien président du Conseil économique et social de Nouvelle-Calédonie) et Marie-Claude Tjibaou (de Ponérihouen, FLNKS, veuve de Jean-Marie Tjibaou, ancienne sportive de haut niveau, militante associative de renom qui a présidé plusieurs associations culturelles et sociales, nommée en 1999 et à nouveau en 2004).

Les accords de Nouméa (mai 1998) et la loi du 19 mars 1999 qui organisent ces institutions laissent à la République Française l’exercice des pouvoirs régaliens (justice, ordre public, défense, monnaie, affaires étrangères), ainsi qu’une possibilité d’intervention dans d’autres domaines (mines, étrangers, enseignement supérieur et recherche, etc.). L’État français est représenté par un haut-commissaire, normalement un préfet. La Nouvelle-Calédonie conserve le franc Pacifique (ou CFP, ou XPF), mais dont la parité avec l’euro, établie en 1998, reste fixe à 8,38 euros pour 1 000 francs CFP. «Au terme d’une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposés au vote des populations intéressées. Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.» (Accords de Nouméa, mai 1998).

Un référendum devra se prononcer sur l’indépendance complète entre 2014 et 2019 et, d’ici là, des efforts de formation de cadres et de spécialistes kanak sont entrepris. Les provinces à dominante kanak (Nord et Loyauté) sont d’ores et déjà dotées de puissantes institutions financières comme la Sofinor, et participent directement au capital des trois grands groupes du nickel ainsi qu’à de nombreuses autres activités comme l’aquaculture et l’hôtellerie. La Nouvelle-Calédonie est membre à part entière de la Conférence du Pacifique Sud (CPS) dont le siège a même été fixé à Nouméa.

Les institutions territoriales, outre les trois provinces, comprennent un double système de communes et d’institutions coutumières. Les 33 communes couvrent la totalité du territoire et ont des compétences semblables aux communes métropolitaines. Mais leurs territoires sont beaucoup plus étendus (plus de 50 000 ha en moyenne, soit près de quarante fois la moyenne métropolitaine) et la commune de Poya est divisée entre les deux provinces Nord et Sud. Seules six communes ont plus de 5 000 habitants, neuf ont moins de 2 000 hab.

La Nouvelle-Calédonie est par ailleurs divisée en huit aires coutumières dessinées en fonction des langues indigènes principales, assez proches entre elles par leurs superficies, et dotées d’un conseil coutumier. Cinq divisent la Grande-Terre et les îles proches: du nord au sud Hoot Ma Whaap, Païci-Camuki, Ajié Aro, Xaracuu, Djubéa-Kaponé. Les trois autres correspondent aux trois grandes îles Loyauté, soit du nord au sud Iaai (Ouvéa), Drehu (Lifou) et Nengone (Maré). Chacune envoie deux représentants au Sénat coutumier. Ces aires sont divisées en districts coutumiers (57 en tout), ayant à leur tête un grand chef, et en 344 tribus.

Les tribus correspondent en général à des villages coutumiers, dont elles portent le nom, et ont en propre et en commun des terres coutumières. Elles contiennent un peu moins de 30% de la population totale. Sauf pour les Loyauté, les terres coutumières sont loin de couvrir tout le territoire: leur surface totale est de 487 400 ha, soit un quart de la superficie de la Nouvelle-Calédonie, et terres et tribus ont une place réduite dans la province Sud: 51 tribus pour 9% du territoire, contre 206 tribus et 24% du territoire dans le Nord et 87 tribus et 97% du territoire dans les Îles. La plupart des tribus font partie d’un district coutumier, mais 14 d’entre elles restent en dehors.

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Une Grande-Terre fortement polarisée, doublement dissymétrique (est-ouest et nord-sud), et des îles basses: la Nouvelle-Calédonie ne manque ni de contrastes, ni de formes d’organisation

L’organisation du territoire de la Nouvelle-Calédonie est fortement marquée par quelques faits majeurs: la division entre la Grande-Terre et les îles; l’allongement et le relief de la Grande-Terre, qui accentuent l’opposition entre une côte au vent (à l’est) et une côte sous le vent (à l’ouest); l’histoire de la colonisation, qui a tendu à refouler les populations indigènes vers les hauts reliefs et la côte au vent, et qui a introduit en outre une forte dissymétrie sud-nord; la considérable prééminence de l’agglomération capitale; l’exploitation des gisements de nickel et la formation de grands domaines et groupes coloniaux.

La Grande-Terre a un relief élevé, qui atteint 1 629 m au mont Panié, et qui forme une barre assez rigide, dont la crête principale est déportée vers l’est de l’île. Sous un climat à fortes pluies assez irrégulières, l’ensemble montagneux est extrêmement taraudé par des vallées profondes, couvert d’une riche végétation sur des sols de décomposition profonds, sujets aux glissements de terrain. La direction des vents dominants crée une dissymétrie qu’accentue la dissymétrie du relief: la côte orientale est très exposée et abrupte, la côte ouest abritée et comportant de larges fractions de plaines et de bas plateaux.

Le grand Nouméa a une position tout à fait décentrée au sud-ouest de la Grande-Terre, en position d’abri. La colonisation agricole a conquis le long de la côte sous le vent, au nord de Nouméa, toute une série de plaines, faisant de La Foa et Bourail des chefs-lieux d’une «Brousse» qui a pu prendre des aspects de Far West. Les tribus kanak se sont accrochées ou réfugiées sur les reliefs de l’est et de l’extrême nord, ce qui explique fondamentalement le dessin de la limite actuelle des deux provinces Nord et Sud. Le contraste est donc considérable entre un sud puissamment centré sur Nouméa, et prolongé vers le nord sur la côte sous le vent par la colonisation agricole, et l’est et le nord moins peuplés, plus morcelés et traditionnels, à majorité kanak.

La circulation consacre ces différences: l’axe majeur est, depuis l’origine de la colonisation, la route n°1 qui longe de plus ou moins près la côte occidentale. Deux traversées ont été établies entre Boulouparis et Thio par le col de Nassirah, puis entre Bourail et Houaïlou par le col des Roussettes. Elles ont été complétées par des routes transversales plus difficiles entre Nouméa et Yaté (col de Mouirange), La Foa et Canala (col d’Amieu), Koumac et Ouégoa (cols de Crève-Cœur) et plus récemment entre Koné et Touho-Poindimié, une traversée coûteuse mais essentielle à la cohésion de la province Nord. En revanche, la côte au vent, de relief plus accidenté que la côte occidentale, n’est pas encore longée par une voie continue, mais par des tronçons d’inégale qualité que les profondes embouchures des petits fleuves obligent à raccorder par des bacs ou au prix de longs contournements.

L’exploitation minière est venue plaquer sur ce fond son impact général et local et a d’ailleurs contribué au dessin de ce réseau. La Grande-Terre conserve de nombreuses parties d’une nappe d’ophiolites qui, de la plaque océanique, est venue chevaucher le noyau central; elles sont particulièrement étendues au sud-est, de Yaté à Houaïlou, et forment quelques massifs espacés au centre-ouest, surtout ceux de Koniambo et de Poya. Les premières mines ont été ouvertes au sud, et surtout à Thio; la partie centrale de la côte au vent reste un foyer de production, de Houaïlou à Thio par Poro, Kouaoua, Nakéty. La plupart des gisements du sud-ouest, proches de Nouméa, ont été abandonnés, mais plusieurs autres foyers se sont développés au nord de la côte sous le vent dans les massifs de Poum, Koumac, Ouazangou-Taom (Kaala-Gomen), Koniambo (Voh-Koné), Pouembout et Poya. La seule usine métallurgique est à Nouméa (Doniambo), mais deux nouveaux foyers industriels sont en cours de développement au sud-est (Goro-baie de Prony) et au nord (Koniambo-Voh) avec la participation de groupes étrangers associés.

Les îles Loyauté, plates et d’origine corallienne, dépourvues de gisements et loin de Nouméa, restent massivement kanak, à peu près entièrement en terres coutumières, et divisées en trois îles-communes; le tourisme même y est marginal. L’essentiel des liaisons avec les communes insulaires, Bélep et l’île des Pins aux extrémités de la Grande-Terre, les trois Loyauté (et l’annexe de Tiga) se fait désormais par la voie des airs: c’est là que sont les aéroports les plus actifs; même la petite Bélep fait aussi bien ou mieux que les aérodromes du Nord de la Grande-Terre (Koumac, Koné et Touho). Toutefois, l’île des Pins et les Loyauté sont aussi desservies par un navire rapide de la province Sud, le Betico.

Toute une série de réserves naturelles ont été délimitées pour préserver quelques secteurs montagneux de la ligne de crête et du mont Panié, et des secteurs maritimes, surtout récifaux. Mais, dans les environs de Nouméa, les premiers sont plutôt sous la forme de parcs aménagés, et les seconds sont surfréquentés par les amateurs de plongée, de pêche ou de simples visites. Quant à l’altération des paysages et des torrents par les nombreuses carrières de minerais, anciennes ou actives, elle ne peut être que difficilement contenue ou réparée, compte tenu des enjeux économiques. Quelques efforts sont faits, cependant, pour le reboisement de certains sites abandonnés.

L’économie de la Nouvelle-Calédonie est un peu particulière pour un territoire d’outre-mer: elle obtient les records de produit par habitant pour l’outre-mer français (et le Pacifique méridional) et sa balance commerciale n’est pas exagérément dissymétrique. Le produit brut est évalué pour l’année 2007 à 770 milliards de francs CFP (Pacifique) soit 6,5 milliards d’euros, équivalent à une moyenne de 26 300 euros par habitant, bien au-delà des résultats de la Nouvelle-Zélande et de la Réunion, pour ne pas parler des très faibles résultats des autres archipels du Pacifique. Cette moyenne se situe même selon l’Institut de la Statistique (ISEE) entre celles de la Basse-Normandie et de la Picardie, devant le Languedoc-Roussillon et le Nord-Pas-de-Calais. En 2007, de loin la plus favorable de l’histoire du pays il est vrai, la Nouvelle-Calédonie avait importé pour 1 700 millions d’euros de marchandises et en avait exporté pour 1 100 millions, soit un taux de couverture de 65%, très élevé pour l’outre-mer. Ces résultats sont largement dus au nickel; de ce fait, ils sont fragiles et inconstants car ils sont très sensibles à l’état des marchés mondiaux de matières premières.

En outre, les inégalités sociales restent accusées, «plus près de celles des pays en voie de développement que des pays développés» (ISEE): les 20% les plus riches perçoivent plus de 55% des revenus. Et «en 2004, le PIB par habitant dans la province des îles Loyauté était inférieur de moitié à celui de la province Nord et ce dernier lui-même était inférieur d’un tiers à celui de la province Sud». Il semble que certaines inégalités s’atténuent toutefois: «L’écart d’espérance de vie (qui est une injustice sociale forte) entre la province Nord et celle du Sud était de l’ordre d’une dizaine d’années en 1981; cette différence est en 2007 d’environ trois ans».

Le pays a connu des années fertiles entre 1968 et 1978, puis une sensible dépression, qui n’a pas été sans lien avec la mobilisation des mouvements kanak. Une nouvelle période favorable s’est ouverte vers 2003, mais elle semble déjà terminée: les résultats pour 2008 sont très inférieurs à ceux de l’année précédente, les importations seraient passées à 2 175 millions d’euros tandis que les exportations tombaient à 910 millions, ce qui aurait fait baisser le taux de couverture à 42%, et les perspectives sont assombries par la crise financière mondiale. Dans les exportations, en 2007, 79% des recettes étaient fournis par les ferro-nickels et les mattes issus de la seule usine de Doniambo, 15% par les minerais bruts, et seulement 2% par les produits de la mer, surtout les crevettes grises — la seule autre exportation notable semblant être celle de chauffe-eau solaires de la Soconair de Nouméa (Numbo).

Les principaux clients des exportations étaient le Japon (22%), la Chine et Taïwan (23% ensemble), la France étant moins présente que le reste de l’Union européenne (14 et 18%).Dans les importations, les machines et appareils comptaient pour 20%, les engins de transport pour 15% comme les minéraux (hydrocarbures et éléments d’alliages pour Doniambo), les produits alimentaires pour 11%, puis les produits métalliques 6% comme les produits chimiques; 27% venaient de France et 18% du reste de l’Union européenne, 14% du Japon, 10% de Singapour (produits pétroliers), Australie et Nouvelle-Zélande ensemble (7%) assurant deux fois plus que les États-Unis. La part des transferts (apports de fonds de la métropole) est estimée à un milliard d’euros par an, soit environ 16% du produit intérieur brut. Sur l’économie, très riche site de l’Institut de la Statistique du pays, http://www.isee.nc. Sur le pays dans son ensemble, v. les travaux d’analyse et de prospective du Schéma d’aménagement, http://www.nouvellecaledonie2025.gouv.nc et son atlas http://www.nouvellecaledonie2025.gouv.nc/portal/page/portal/sap/documentation/cartographies/atlascartographiquediagnostic_0.pdf. Voir aussi l’atlas de l’IRD, http://www.cartographie.ird.fr/Nlle_Caledonie.html

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LE NICKEL EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Le nickel. La Nouvelle-Calédonie est réputée contenir un quart des réserves mondiales de nickel. Le métal est présent sous deux formes, issues des ophiolites plus ou moins altérées par l’érosion: les saprolites (garniérites) et les limonites (latérites) de haute et basse teneur. Sa présence a été découverte en 1864 par Jules Garnier dans la vallée de la Dumbéa et il a été exploité dès 1870. Actuellement, le minerai est extrait dans un peu plus de 20 gisements, par cinq ou six groupes principaux; mais l’industrie est bien plus concentrée, encore limitée à une seule usine.

La Société Le Nickel, ou SLN, reste le principal et le plus ancien groupe, mais la situation a beaucoup évolué. Possession du groupe Rothschild, la SLN a créé dès 1880 une usine de traitement à Thio. En 1909, c’est le groupe Ballande, d’origine bordelaise, qui créait à Nouméa la société des Hauts Fourneaux et Fonderies de Doniambo pour produire le métal; elle a fusionné avec la SLN en 1931, Ballande conservant quelques sites miniers. En 1974, Elf Aquitaine prenait 50% de la SLN, puis Rothschild cédait la majorité de ses parts en 1985, l’actionnariat étant alors dominé par Elf-Erap (85%), Imétal (Rothschild) conservant 15%. Puis le japonais Nisshin entra pour 10% dans le capital en 1991-1994. En 1999, la société fut profondément remaniée par la cession d’une part des fonds publics issus d’Elf et par l’entrée du groupe métallurgique Aubert-Duval.

Actuellement, la majorité (56%) est au groupe Eramet; 10% restent à Nisshin, 34% sont à la STCPI (Société territoriale calédonienne de participation industrielle). Celle-ci représente les intérêts des trois provinces néo-calédoniennes, à raison de 50% pour la province du Sud et 25% pour chacune des deux autres, et a reçu en dotation une partie des actifs publics issus d’Elf-Erap; elle cherche à obtenir 51% de la SLN, mais s’est heurtée au refus catégorique d’Eramet. La STCPI est présidée par Louis Mapou, kanak né à Yaté, géographe qui fut notamment employé à l’IRD, également directeur général de la Sofinor et directeur exécutif de Koniambo Nickel; membre du FLNKS-Palika, il fut tête de liste d’une dissidence Ouverture Citoyenne du FLNKS aux élections provinciales de la province Sud, en association notamment avec Marie-Claude Tjibaou. Eramet a été formée par les intérêts privés de la famille Duval, majoritaire avec 37%, le groupe public Areva (26%) porteur d’anciens actifs d’Elf; 5% relèvent des intérêts de l’entente Albert Frère-Desmarais (groupe Total), 4% à la STCPI. La SLN exploite directement les mines de Poum (en échange avec Koniambo), Tiébaghi (Koumac), Népoui-Kopéto, Kouaoua, Thio Plateau et Camp des Sapins, et par sous-traitance celles d’Opoué et Poro. Son fleuron reste l’usine de Doniambo. Elle emploie 2 200 personnes, extrait annuellement plus de 2 Mt de minerai et produit 60 000 t de nickel.

Le second producteur est la Société minière du Sud-Pacifique (SMSP), qui fut un simple sous-traitant de la SLN avant de devenir en 1990 une filiale de la société publique de financement de la province du Nord (Sofinor). Elle a acquis progressivement des propriétés de la famille Lafleur (1991, Ouaco pour les gisements Ouazanghi-Taom de Kaala-Gomen) et du groupe Pentecost. Elle détient des mines à Ouaco, Poya, Nakéty et Kouaoua (plus Boakaine, fermée) et

prépare l’usine du Nord (Voh-Vavouto) en s’associant dans Koniambo Nickel (KNS) à Falconbridge, récemment absorbé par la société suisse Xstrata (de Zug, groupe Glencore). Elle dispose aussi d’une filiale NMC (Nickel Mining Co) qui est une coentreprise avec Posco, métallurgiste coréen spécialiste d’aciers inoxydables; NMC prépare aussi une usine de nickel à Gwangyang en Corée du Sud.

Le troisième groupe d’envergure internationale est celui de Goro, devenu Vale Inco, qui œuvre à l’extrême sud-est de la Grande-Terre dans la commune de Yaté. La firme Inco, 2e producteur mondial de nickel, y a lancé une exploitation qui doit être assortie d’une troisième usine métallurgique. Depuis l’absorption d’Inco par le grand groupe brésilien CVRD (Companhia Vale do Rio Doce), celui-ci en détient 69%, le japonais Sumitomo-Mitsui 21%, 10% allant à la Nouvelle-Calédonie (5% pour la province Sud, 5% pour les provinces Nord et des Îles ensemble).

Les autres sociétés minières relèvent principalement de deux groupes néo-calédoniens, Montagnat (SMGM) et Ballande. Le premier a des exploitations à Koumac, Tomo Vulcain, Opoué. Le second est présent par la SMCB (Société minière du Cap Bocage), la SMT (Société des mines de la Tontouta) et la SMN (Société minière de Nakéty), surtout à Monéo et Nakéty. Gemini exploite le gisement de Bogota à Houaïlou, quelques autres sociétés interviennent comme sous-traitants.

La production totale de minerai est de 7 600 000 t de brut (année record de 2007) et 125 000 t de nickel contenu: la Nouvelle-Calédonie est devenue le 4e producteur mondial de nickel et le premier pour les ferronickels servant aux aciers inoxydables. Environ une moitié est exportée à l’état brut, ce qui fait du pays le premier exportateur mondial; le reste est traité à Doniambo, dont l’usine doit passer de 60 000 t de métal à 75 000 t, et qui livre aussi plus de 40 000 t annuelles de ferronickel. La production a été défiscalisée en 2003, mais elle reste soumise aux variations des marchés.

Les autres branches de l’activité. Dans son ensemble, la Nouvelle-Calédonie enregistre 82 000 emplois salariés (en 2008). Sur ce total, un peu plus de 34 000 (44%) sont dans les services marchands: en tête commerces et réparations (9 000) puis bâtiment (7 700), immobilier et services aux entreprises (5 600), transport (4 900), hôtellerie (4 100). Les services non marchands emploient 25 000 salariés (32%), l’industrie 9 300 (12%) dont 7 300 dans l’industrie manufacturière et 1 200 dans les mines; l’agriculture intervient pour 2 300 emplois. Dans le produit intérieur brut, les services marchands viennent largement en tête (47%) devant les services non marchands (23%), le nickel (12% du PIB); le bâtiment entre pour 8%, les autres industries pour 7% et l’agriculture pour 2%.

Le trafic maritime externe est de 5,9 Mt/an (2007), dont 4,3 aux sorties, essentiellement du minerai de nickel exporté, et 1,6 Mt aux entrées, dont la moitié en produits pétroliers et un tiers en produits alimentaires. Le trafic maritime interne est de 3,4 Mt dont 3,3 pour le transport du minerai des embarcadères miniers vers Doniambo. La Nouvelle-Calédonie recevait en outre 80 paquebots de croisière par an (environ 120 000 passagers), du moins avant la crise de 2008-2009.

Le trafic aérien extérieur a porté sur 5 600 t de fret et 440 000 passagers, dont 270 000 par Air Calédonie International, 78 000 par Air France, 62 000 par Qantas (Australie), 21 000 par Air New Zealand et un peu moins de 10 000 par Air Vanuatu. Aircalin (Air Calédonie International) est une compagnie française du groupe des Caisses d’Épargne (actionnaire à hauteur de 72%), dotée de trois Airbus 330 et 320; elle assure des vols réguliers vers la France, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Papeete, Fidji et Vanuatu, plus Wallis avec deux Twin-Otter. Les liaisons intérieures ont enregistré 320 000 passagers et 1 800 t de fret; elles sont assurées par Aircal (Air Calédonie), distincte d’Aircalin et dont les deux principaux actionnaires sont le gouvernement de Nouvelle-Calédonie (50,3%) et la province des Loyauté (43%); elle dispose de trois ATR (deux de 68 places, un de 45 places) et un Dornier de 19 places.

La production et le transport de l’électricité sont assurés par la compagnie d’économie mixte Enercal. En 2008, l’État et l’Agence française de développement détenaient 36% de son capital, la Nouvelle-Calédonie 18%, Eramet 16%, EDF 16%, Elyo (Suez) 11%. La part de la Nouvelle-Calédonie est montée ensuite à 54% par cession des avoirs publics français. Les centrales thermiques fournissent 1 500 GWh/an; elles sont à Doniambo (charbon) et Népoui (fioul), auxquelles s’ajoute désormais Prony pour l’usine de Goro (charbon, 100 MW) et va s’ajouter ultérieurement le site de Voh (charbon) pour l’usine du Nord; en outre, de nombreux générateurs à fioul sont dispersés dans les îles et les villages lointains. La production d’origine hydraulique se monte à 390 GWh/an (dont 350 pour la centrale de Yaté), les éoliennes ajoutant un peu moins de 40 GWh (Mont-Dore-Prony, Voh-Kaféate et secondairement Lifou et l’Île des Pins). La distribution est partagée entre Enercal et EEC, du groupe Suez-GDF, cette dernière desservant l’agglomération de Nouméa (6 communes).

L’agriculture n’utilise que 248 000 ha de terres, soit un septième de la superficie (13%), dont 97% (239 000 ha) sont en herbe; et seuls 140 000 ha sont considérés comme «entretenus». Un quart de cette superficie est en terres coutumières. Les cultures spécialisées, caféier en tête, ne portent guère que sur 1 000 ha, les vergers sur 1 500 et les légumes sur 1 900 ha, les céréales sur 1 000 ha, les tubercules tropicaux sur 800 ha; le pays compterait 111 000 bovins, les autres élevages étant marginaux ou strictement familiaux. La statistique enregistre 5 000 exploitations, dont un tiers seulement sont considérées comme «professionnelles», et la force de travail est évaluée à 5 200 UTA (équivalents plein temps).

L’aquaculture porte surtout sur la production de la crevette bleue (Penaeus stylirostris), engagée après 1985 avec l’aide de l’Ifremer et en progrès; elle emploie 400 salariés et produit environ 2 200 t, dont la moitié sont exportées vers la France, un tiers vers le Japon. Treize fermes relèvent de la Sofinor (450 ha), c’est-à-dire de la province du Nord, et fournissent 70% de la production, traitée et conditionnée par l’atelier de la Sopac (Société des producteurs aquacoles calédoniens) à Koné, le reste venant de 4 fermes (156 ha) dont la production est traitée dans l’atelier d’Ouano à La Foa par le groupe privé Braun Ortega. Les écloseries sont à Koné, Moindou (Mara), Païta (les Montagnes) et Dumbéa. Il s’y ajoute une seule ferme ostréicole à Dumbéa (Koé), et une trentaine de producteurs d’écrevisses à Boulouparis. La pêche en lagon et près des côtes emploie, outre de nombreux particuliers, 500 marins (près de 250 bateaux) et récolte 4 700 t de poisson, la pêche hauturière 170 (27 navires) pour 2 500 t de poisson.

Le tourisme, qui entretient 4 500 emplois, compte surtout à Nouméa. Outre les croisiéristes, la Nouvelle-Calédonie reçoit chaque année environ 100 000 visiteurs considérés comme touristes (à l’exclusion des voyages d’affaires et familiaux) dont un tiers de Japonais — les agences japonaises décrivent la Nouvelle-Calédonie comme «l’île la plus proche du paradis»… — et un quart de Français. Nouméa concentre l’essentiel de l’offre avec 22 hôtels et 1 200 chambres, et un total de 4 500 emplois, mais le nouveau site de Bourail est en progrès. Les Lagons de Nouvelle-Calédonie ont été inscrits en 2008 au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Les trois premiers titres du Préambule des Accords de Nouméa, 5 mai 1998

  1. Lorsque la France prend possession de la Grande Terre, que James Cook avait dénommée «Nouvelle-Calédonie», le 24 septembre 1853, elle s’approprie un territoire selon les conditions du droit international alors reconnu par les nations d’Europe et d’Amérique, elle n’établit pas des relations de droit avec la population autochtone. Les traités passés, au cours de l’année 1854 et les années suivantes, avec les autorités coutumières, ne constituent pas des accords équilibrés mais, de fait, des actes unilatéraux.
    Or, ce Territoire n’était pas vide.
    La Grande Terre et les Îles étaient habitées par des hommes et des femmes qui ont été dénommés kanak. Ils avaient développé une civilisation propre, avec ses traditions, ses langues, la coutume qui organisait le champ social et politique. Leur culture et leur imaginaire s’exprimaient dans diverses formes de création.
    L’identité kanak était fondée sur un lien particulier à la terre. Chaque individu, chaque clan se définissait par un rapport spécifique avec une vallée, une colline, la mer, une embouchure de rivière, et gardait la mémoire de l’accueil d’autres familles. Les noms que la tradition donnait à chaque élément du paysage, les tabous marquant certains d’entre eux, les chemins coutumiers structuraient l’espace et les échanges.
  2. La colonisation de la Nouvelle-Calédonie s’est inscrite dans un vaste mouvement historique où les pays d’Europe ont imposé leur domination au reste du monde.
    Des hommes et des femmes sont venus en grand nombre, aux XIXe et XXe siècles, convaincus d’apporter le progrès, animés par leur foi religieuse, venus contre leur gré ou cherchant une seconde chance en Nouvelle-Calédonie. Ils se sont installés et y ont fait souche. Ils ont apporté avec eux leurs idéaux, leurs connaissances, leurs espoirs, leurs ambitions, leurs illusions et leurs contradictions.
    Parmi eux certains, notamment des hommes de culture, des prêtres ou des pasteurs, des médecins et des ingénieurs, des administrateurs, des militaires, des responsables politiques ont porté sur le peuple d’origine un regard différent, marqué par une plus grande compréhension ou une réelle compassion.
    Les nouvelles populations sur le Territoire ont participé, dans des conditions souvent difficiles, en apportant des connaissances scientifiques et techniques, à la mise en valeur minière ou agricole et, avec l’aide de l’État, à l’aménagement de la Nouvelle-Calédonie. Leur détermination et leur inventivité ont permis une mise en valeur et jeté les bases du développement.
    La relation de la Nouvelle-Calédonie avec la métropole lointaine est demeurée longtemps marquée par la dépendance coloniale, un lien univoque, un refus de reconnaître les spécificités, dont les populations nouvelles ont aussi souffert dans leurs aspirations.
  3. Le moment est venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière.
    Le choc de la colonisation a constitué un traumatisme durable pour la population d’origine. Des clans ont été privés de leur nom en même temps que de leur terre. Une importante colonisation foncière a entraîné des déplacements considérables de population, dans lesquels des clans kanak ont vu leurs moyens de subsistance réduits et leurs lieux de mémoire perdus. Cette dépossession a conduit à une perte des repères identitaires.
    L’organisation sociale kanak, même si elle a été reconnue dans ses principes, s’en est trouvée bouleversée. Les mouvements de population l’ont déstructurée, la méconnaissance ou des stratégies de pouvoir ont conduit trop souvent à nier les autorités légitimes et à mettre en place des autorités dépourvues de légitimité selon la coutume, ce qui a accentué le traumatisme identitaire. Simultanément, le patrimoine artistique kanak était nié ou pillé.
    À cette négation des éléments fondamentaux de l’identité kanak, se sont ajoutées des limitations aux libertés publiques et une absence de droits politiques, alors même que les kanak avaient payé un lourd tribut à la défense de la France, notamment lors de la Première Guerre mondiale. Les kanak ont été repoussés aux marges géographiques, économiques et politiques de leur propre pays, ce qui ne pouvait, chez un peuple fier et non dépourvu de traditions guerrières, que provoquer des révoltes, lesquelles ont suscité des répressions violentes, aggravant les ressentiments et les incompréhensions.
    La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en sont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun (…)